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protocole ouvert pendant un délai fixé d’avance pour l’accession des dissidens. Nul doute, suivant eux, que l’Autriche, devant ce parti nettement pris, ne finît par se résigner, surtout si on lui faisait entendre qu’on pourrait se passer d’elle, en cédant les Pays-Bas en apanage à l’infant. Le moyen était énergique et, suivant toute apparence, la menace seule aurait suffi : mais le conseil, pour être suivi, avait besoin d’un agrément sur lequel on croyait avoir droit de compter et qui, au dernier moment, ne put être obtenu.

Ce fut le roi d’Angleterre qui se refusa absolument à faire un pas de plus dans une voie où il n’était entré qu’à regret, comme contraint et forcé. Le rapprochement avec la France, fait à l’insu et aux dépens de la plus ancienne alliée de l’Angleterre, renversait toutes ses habitudes et choquait toutes les préventions dans lesquelles son esprit étroit était nourri dès l’enfance. Son ministère anglais l’y avait difficilement converti, en lui parlant au nom d’un parlement qui tenait les clés de son trésor épuisé. Mais dès que la mer le séparait de ses conseillers britanniques, il repassait sous le joug de son ministère hanovrien bien plus cher à son cœur, et lui parlant un langage plus conforme à ses sentimens. Ces confidens, dont les sympathies pour l’Autriche s’étaient manifestées à plus d’une reprise pendant la guerre, n’eurent pas de peine à lui persuader que, la France étant ennemie héréditaire et l’Autriche une amie de longue date, il fallait se garder, par un excès de rigueur et par une injure qui laisserait de longs ressentimens, de convertir une dissidence passagère en une rupture durable. La crise du jour passée, il fallait garder la porte ouverte pour revenir à ce que George appelait lui-même son vieux système, la coalition antifrançaise qui avait fait, depuis le commencement du siècle, la force et la sécurité de sa dynastie.

Le premier ministre Newcastle, qui accompagnait le roi et qui avait toujours partagé ou flatté ses préférences, entra aisément dans la même pensée, et la conséquence fut qu’au lieu de l’autorisation de conclure sans délai, Sandwich reçut l’interdiction de pousser les choses à l’extrême et l’ordre de prendre avec Kaunitz un ton plus affectueux pour chercher de concert avec lui un terrain de conciliation. L’instruction assez sèche lui laissait voir qu’on le soupçonnait de s’être laissé séduire par l’envoyé de France et de subir aveuglément son influence[1].

La réprimande, qui ressemblait à un désaveu tardif, causa à Sandwich et à son collègue hollandais, qui ne se séparait plus de lui, un effet égal de colère et de désespoir. Bentinck s’écria que tout était perdu, qu’il n’y avait rien à faire avec des gens dont l’humeur

  1. Coxe. Pelham administration, t. Ier, ch. XVII, t. II, ch. XVIII.