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longtemps secret parce qu’au même moment le roi d’Angleterre, profitant de l’armistice, venait visiter son cher électorat de Hanovre en compagnie de son premier ministre, et Sandwich, désirant vivement trouver un moyen de conciliation, prit le parti d’aller demander à ses supérieurs de nouvelles instructions. Ce départ donna lieu à beaucoup de commentaires, et on put croire un moment que, si un arrangement n’intervenait pas à la satisfaction des deux parties, une rupture aurait lieu qui remettrait tout en question.

Saint-Séverin n’éprouvait, en réalité, aucune inquiétude véritable sur l’issue de ce débat, car Sandwich, dont les bonnes dispositions lui étaient connues, n’avait pas craint de lui dire que son roi, ne jouissant pas du même pouvoir despotique que le roi de France et les autres souverains d’Europe, était souvent obligé, pour ménager l’opinion de son peuple, de faire des démonstrations qui ne tiraient pas à conséquence : il s’était fait fort de revenir avec un moyen d’accommodement. Mais le seul bruit répandu d’une rupture possible fournissait à Saint-Séverin le prétexte qu’il désirait pour rechercher Kaunitz dans la retraite où il ne voulait pas le laisser s’affliger et s’aigrir plus longtemps. L’officieux intermédiaire saxon était toujours à son service, et il ne fallut qu’un signe pour le faire revenir.

M. de Kaunitz, dit-il à Kauderbach, nous a demandé une chose impossible et qu’on a dû lui refuser. La France ne peut se prêter à rien de ce qui ferait mettre en doute sa bonne foi dans l’exécution des conventions qu’elle a signées. Mais si d’autres puissances venaient d’elles-mêmes à manquer à l’engagement pris, la chose serait bien différente, et la France, retrouvant sa liberté, pourrait se retourner vers d’autres alliances. Seulement, ajouta-t-il, le cas serait très grave, car la reprise de la guerre avec l’Angleterre, qui en serait la conséquence, amènerait la perte des colonies et la ruine du commerce français : il faudrait donc que la France trouvât un équivalent aux risques qu’elle aurait à courir et aux sacrifices qu’elle pourrait faire. Saint-Séverin, paraissant alors s’abandonner à son imagination, traça sous une forme hypothétique un plan de partage absolument différent de celui qu’avaient consacré les préliminaires, et à l’avantage commun de la France et de l’Autriche. — On pourrait, disait-il, laisser à Marie-Thérèse tout ce qu’elle réclamait en Italie, même Parme et Plaisance, en donnant à l’infant la Savoie et Nice en apanage, et en attribuant à la France quelques places fortes des Pays-Bas, principalement choisies, comme Maastricht, parmi celles qui dépendaient de la Hollande. Paraissant alors se monter et se découvrir de plus en plus, il entra dans certains détails d’exécution. Il faudrait, dit-il, que l’impératrice obtînt de la Russie, son alliée, la promesse de tenir en respect le roi de