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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




29 février.

Comme un observateur désintéressé, suffisamment expérimenté ou désabusé et pénétrant, s’il existait parmi nous, trouverait encore son compte et son plaisir aux affaires de la politique du jour ! Comme il pourrait s’égayer à suivre d’un regard libre tout ce mouvement un peu vieux sans doute, mais toujours nouveau des délibérations incohérentes, des quiproquos parlementaires, des coups fourrés déguisés en ordres du jour, des petites importances affairées, des crises de pouvoir ouvertes au hasard de toutes les fantaisies ! C’est bien évident, rien n’est changé. Le spectacle des petits jeux de la politique n’est pas près de finir. Si on avait cru pour un instant que la comédie était au moins interrompue, qu’on avait trouvé la pierre philosophale, la stabilité ministérielle, qu’on allait être sur le chemin de la paix religieuse, qui au fond est le secret de tout, on s’était trompé. On avait pris une ombre pour la réalité. M. Hubbard, un jeune et fringant député de Pontoise qui a une interpellation prête pour toutes les circonstances, ne l’a pas voulu. M. Pichon, un autre jeune Sicambre de l’anticléricalisme, veillait pour arrêter le ministère en train de se laisser convertir par la dernière encyclique du pape. Le solennel M. Brisson et l’âpre M. Clemenceau eux-mêmes ont donné ! Du coup le ministère, ahuri, assailli de toutes parts, à bout d’explications, est resté dans la bagarre, et le pis est que lorsqu’un ministère a disparu ainsi dans une de ces échauffourées, on ne sait pas le plus souvent ce qu’on a fait ni où l’on va. Voilà justement la question aujourd’hui ! c’est ce qu’il y a de plus clair dans cette crise nouvelle qui a été ouverte le 18 février, qui était peut-être bien un peu prévue depuis quelque temps, mais qu’on n’attendait pas sitôt ni es jour-là, et à laquelle tout le monde a contribué, à commencer par le ministère lui-même.

Eh bien donc, c’est fait aujourd’hui ! Le ministère est tombé dans une escarmouche ; il est tombé, un peu peut-être parce qu’il avait trop duré pour les impatiens, mais surtout parce qu’il l’a bien voulu, — après