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L'EMPEREUR GUILLAUME II
SES MINISTRES ET SA POLITIQUE

Le 15 avril 1890, le général de Caprivi, devenu chancelier de l’empire allemand et président du ministère prussien, déclarait solennellement à la chambre des députés de Prusse que rien ne serait changé dans la politique suivie jusqu’alors. Il ajouta : — « Vous savez que l’ancien cabinet reste en fonction ; cela vous prouve assez que le gouvernement n’a pas l’intention d’inaugurer une ère nouvelle. » — M. de Caprivi était sûrement de bonne foi ; mais c’est surtout en politique qu’il y a des vérités qui ne sont vraies qu’un jour durant. Presque tous les ministres qui avaient eu l’honneur d’être les collègues de M. de Bismarck, MM. de Lucius, de Scholz, de Gossler, de Maybach, le général de Verdy, se sont retirés successivement. M. Herrfurth et M. de Boetticher sont restés ; mais ils sont devenus si différens d’eux-mêmes que, comme on l’a remarqué, ni leurs amis, ni leurs ennemis ne les reconnaissent plus. En se privant des services de M. de Bismarck, Guillaume II n’entendait pas seulement se débarrasser d’une gênante tutelle, sortir de servitude ; il avait sur presque tous les points des idées fort différentes de celles du grand homme d’État, et ayant employé les premiers mois de son règne à se sonder, à se tâter, il avait formé des projets qu’il lui tardait d’exécuter lui-même. Il ressemblait à ce jeune ouvrier qui disait en faisant son tour d’Allemagne : — « Le bon Dieu a fait le monde en six jours, et il y paraît bien, car il reste beaucoup à faire. » — Le jeune souverain pensait qu’il restait