Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 110.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

géométrie. Le maréchal s’approche de cet ennemi supérieur en nombre, prend ses dernières mesures pour l’attaque de cette forte position, gardée par de bonnes troupes, très habilement occupée. On cherche à l’arrêter ; il avance.

Si M. de Lorraine surprend un symptôme d’hésitation dans les mouvemens de son adversaire, s’il a le temps d’être rejoint par l’armée d’Étampes, il fondra sur Turenne et mènera le combat en vrai capitaine ; la perte de l’armée du Roi est certaine. Si M. de Lorraine se voit menacé d’une brusque attaque avant que l’arrivée des renforts n’ait mis toutes les chances dans son jeu, il ne voudra pas exposer à un accident de guerre cette armée qui est tout son bien, et il s’assurera des avantages certains que la cour lui a garantis.

Charles II d’Angleterre, qui a les pouvoirs de son frère de France, court d’un général à l’autre, donne des assurances, se porte garant de la parole de Charles IV[1]. Point d’affaire : Turenne avance toujours ; le voilà sous le canon. Les servans sont à leurs pièces, mèche allumée. Charles IV ordonne d’ouvrir le feu… Presque aussitôt il se ravise, signe Je traité, l’envoie à Turenne avec des otages. Et l’armée de Lorraine commence à défiler devant celle de France en bataille. Dans huit jours, les Lorrains passeront la Marne ; dans quinze jours, ils seront hors du royaume.

M. de Beaufort dut se croire fort heureux d’obtenir un passeport et de pouvoir rentrer librement à Paris. — De la plaine qu’il traversait à tire-d’aile, M. le Prince put voir les soldats du Roi descendre jusqu’à la Seine, occuper, couper le pont. Sombre, abattu, il fit demi-tour et ramena jusqu’à Saint-Cloud les 6,000 ou 7,000 hommes qui étaient sortis d’Étampes. Quel retour !


II. — PARIS FERMÉ. CONDÉ SERRÉ CONTRE LA MURAILLE (2 JUILLET).

« Le sensible desplaisir que les Princes et leurs partisans tesmoignent de ce que vous avez fait avec M. de Lorayne fait assez connoistre de quelle importance est l’action pour le service du Roy[2]. » Voilà le jugement de Mazarin. C’étaient bien les Princes qui venaient d’être frappés, Condé surtout ; son parti s’effondrait. La bourgeoisie lui avait toujours marqué au moins de la froideur, même au moment où elle espérait triompher par son épée ; aujourd’hui, elle se détache de lui. Il cherche son appui ailleurs. A Bordeaux, il avait trouvé moyen de séduire les démagogues de

  1. Marigny à Lenet, 20 juin 1652.
  2. Mazarin à Turenne. Melun, 18 juin 1652.