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JOSETTE

«( J’ai dans l’âme une fleur que nul ne peut cueillir. »

I.

Elle était assise dans sa grande bergère de gros de Tours flambé, dont les coussins remplis d’herbes de Montpellier jetaient une senteur démodée, en harmonie avec les couleurs fanées du salon.

Lui, à ses pieds, sur une chaise basse. Elle, une douce vieille aux épais cheveux blancs, légèrement poudrés sous une fanchon de dentelle blanche, vêtue comme Mme Helvétius d’une robe feuille morte, à manchettes, d’où sortaient d’exquises petites mains, un peu tremblantes.

Lui, un grand garçon, d’une pâleur brune, avec un beau profil de jeune prince de la renaissance et des yeux veloutés qu’il fer- mait à demi pour cacher des larmes.

C'étaient la grand’mère et le petit-fils.

Elle ne le quittait pas du regard. Elle l’aimait de toutes les ten- dresses enfouies au fond du cœur de la femme comme des épargnes secrètes.

Cette frêle blonde, autrefois jolie, n’avait jamais aimé ni son mari, ni son fils, comme ce dernier venu dans la famille, ce reje- ton unique d’une race plus vaillante qu’opulente.

Les fleurs de tous ses printemps et de tous ses automnes avaient fait place à cette fleur de son hiver. Tous les parfums de son âme s’étaient concentrés en cet exclusif attachement. Vertueuse, elle l’avait toujours été, mais non sans un peu de peine. Les livres de son temps rendaient les femmes romanesques. Une passion