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Les troupes (6,500 chevaux, 3,500 fantassins, 8 pièces) reprirent aussitôt les cantonnemens qu’elles occupaient déjà le long de la Seine, au-dessus de Charenton, ruinant le pays sans merci.

Le conseil se tenait le soir, aux Tuileries ou au Luxembourg. Comme on mettait la dernière main à un plan de conduite et d’opérations : « Nous sommes tous fourbes, dit M. de Lorraine ; il conviendrait d’écrire et de signer ce dont nous sommes convenus. » En prêtant généreusement ses qualités aux autres, Charles IV se montrait trop modeste. Il est le fourbe par excellence, plus complet que Mazarin lui-même. On ne s’explique pas bien ses scrupules en matière d’écriture : la signature ne l’engageait pas plus que la parole, car il avait le matin même conclu et signé un traité avec la cour. Nul n’a trahi avec plus d’aisance, on pourrait presque dire de candeur.

On apprend que le siège d’Étampes est levé ; M. de Lorraine annonce son départ. Gaston lui rappelle les promesses de la veille : « Vous n’avez rien voulu écrire hier. Je m’étais engagé à faire lever le siège d’Étampes ; le résultat est acquis, je pars. »

Partir ! il n’y songeait pas. Il voulait seulement se faire marchander par les Princes comme par la cour. Après s’être laissé bien prier, il consent à demeurer, mais avec sa liberté entière. Par une sage précaution, le prudent capitaine rassembla ses quartiers et s’établit sur les hauteurs qui dominent Villeneuve-Saint-Georges. Au confluent de l’Yères et de la Seine, à quatre lieues au sud de Paris, avec de belles communications, la situation stratégique est incomparable. Couverte par deux rivières et de grands bois, admirablement encadrée et dessinée, la position présente un relief considérable et une ampleur suffisante sans être excessive ; par son caractère particulier, elle a de tout temps fixé l’attention de ceux qui ont étudié l’attaque et la défense de Paris. Ainsi posté, M. de Lorraine attendit.

Étampes avait fait une belle résistance. Cependant, Turenne se croyait assuré de prendre la place et de faire capituler l’armée des Princes lorsqu’il apprit l’entrée des Lorrains en Champagne. Les opérations régulières ne pouvant continuer, un suprême effort fut tenté pour en finir brusquement ; il échoua : le siège fut levé le 8 juin. Pendant quatre ou cinq jours, le maréchal se maintint entre Étrechy et la Seine pour observer la marche de l’armée qui sortait d’Étampes, protéger le passage de la cour, qui avait déjà rétrogradé de Poissy à Corbeil ; enfin, tâcher de savoir le vrai sur le duc de Lorraine, ses arrangemens, ses visées. Turenne tenait à régler sa conduite militaire sur des données certaines. Lorsqu’il sut le Roi en sûreté à Melun, qu’il vit l’armée des Princes appuyer