une alliance entre Rome et la démocratie sociale ? et y a-t-il là le point de départ d’une action commune entre les deux grandes rivales d’hier, entre l’Église du Christ et ce qui reste toujours la Révolution, entre les deux grandes internationales, la rouge et la noire ?
Cette alliance, il s’est trouvé des catholiques et des hétérodoxes, des mystiques et des politiques pour la conseiller, malgré tout, à l’Église[1]. Ils invitent le pape à faire du Vatican le centre du mouvement social et le quartier-général de l’Internationale nouvelle. — Courage, très saint-père ! vont-ils lui criant, de divers côtés ; ne vous laissez pas arrêter par des scrupules vains ou des terreurs surannées ! Allez, osez ! donnez aux forces cosmopolites de la démocratie ouvrière la direction et l’unité qui leur font défaut ; et l’univers est à vos pieds ! — Ainsi parlent, en même temps, les devins des gentils et les prophètes d’Israël, comme si, à ce prix, les oracles promettaient de nouveau à la vieille Rome l’empire du monde. Qu’est-ce à dire ? et que penser de pareils conseils ? À parler franc, cela me rappelle l’histoire du Christ emporté par Satan sur la montagne du désert de Judée, d’où le Prince de ce monde lui montrait tous les royaumes de la terre. — « Et le diable lui dit : si tu veux te prosterner devant moi, je te donnerai tous ces royaumes, leur puissance et leur gloire ; car ils m’ont été donnés et je les donne à qui je veux. » — C’est, sous une forme appropriée aux temps nouveaux, la vieille, l’éternelle tentation de la puissance. L’Église ira-t-elle prêter l’oreille au tentateur ? Elle qui s’est refusée à plier le genou devant les empereurs et les rois, peut-elle s’agenouiller devant cette parvenue de démocratie qui prétend, à son tour, régner seule sur le monde ? Et la papauté ne va-t-elle pas lui répondre, comme le Christ au Mauvais : « Il est écrit : Tu adoreras le Seigneur ton Dieu, et tu le serviras lui seul. »
Dût-elle lui valoir l’empire du monde, le vicaire du Christ ne peut acheter l’alliance de la démocratie ouvrière au prix de l’abandon des maximes évangéliques et des règles de la justice. Devant lui, s’il en avait jamais la tentation, se dresserait l’éternel Non licet ; Il n’est pas permis. Le langage de Léon XIII en est la preuve. Après avoir condamné le socialisme, avec une netteté qui est de la vaillance, la papauté ne saurait lui faire la courte échelle. Aucun intérêt humain ne la fera passer par-dessus ses principes. Il n’en est pas de l’Église, comme des empires et des républiques, des États politiques dont les ligues et les alliances sont dictées par leurs intérêts ou leurs convenances du moment. On peut marier la
- ↑ Ainsi notamment un écrivain anglais protestant, M. W. Stead, The Pope and the new era 1890.