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respectée ? Il est certain que l’ennemi s’est souvent arrêté devant elle. L’invasion qui suivit Waterloo la voulut, ainsi que je l’ai dit, entre des soldats victorieux et des soldats vaincus, mais ceux-ci tout aussi redoutés après qu’avant leur défaite. C’est par la Sologne, et en passant la Loire dans sa partie la plus basse, que Jules-César et ses légions pénétrèrent dans le pays des Gaulois Bituriges ; ce fut en se précipitant comme une avalanche des hauteurs habitées par les Arvernes, que les Visigoths firent la conquête des descendans dégénérés de Vercingétorix.

Le Cher, en coupant le bassin de la Loire dont en grande partie fut formée la province qui nous occupe, fit diviser le pays en Haut et Bas-Berry. À la révolution, du premier, fut formé le département du Cher ; du second, le département de l’Indre.

La région la plus fertile des deux est assurément celle qui commence dans la province sœur du Berry, le Bourbonnais, pour se continuer en suivant le cours du fleuve jusqu’à l’Orléanais, et finir par la riante Touraine. Elle se déroule en une succession de coteaux couverts de vignobles, de céréales, dont les plus élevés sont la Motte d’Humbigny et la brande de Saint-Saturnin. Les coteaux les plus bas comprennent les blanches collines du Sancerrois, collines que le donjon en ruine de la ville de Sancerre, et très en évidence de la voie ferrée qui passe à ses pieds, semble toujours protéger, ainsi qu’il les protégea au temps des guerres de la religion. Sur la rive gauche de la Loire, en remontant jusqu’à l’Allier, s’étendent de vastes plaines appelées le Val ; c’est une campagne unie, d’une fertilité admirable, justifiant sa qualification poétique. Jadis le Val était couvert de forêts de chênes, de hêtres et de charmes ; l’État n’en possède plus que quelques milliers d’hectares : pour une région quelque peu étendue, c’est la nudité. Ce fut aussi dans le Haut-Berry que se trouvaient des gisemens de minerais de fer d’une qualité recherchée. Jules-César parle de leur intelligente exploitation par les Gaulois Bituriges, et ce furent les Sarrasins qui apprirent aux descendans de ces Gaulois à remplacer les forges mobiles et à bras par des établissemens fixes à hauts fourneaux, mus par la force hydraulique.

Dans le Bas-Berry, sur les bords de la Creuse, là où les eaux admirablement bleues de cette rivière se raient par endroits de roches blanches, s’élèvent aussi des collines autrement pittoresques que celles dont la Loire baigne les bases crayeuses.

Les bords des excavations formées par les courans de la Creuse sont, il est vrai, stériles, désolés en maints endroits ; il s’en trouve où ne croissent que quelques pâles bouquets de bouleaux, de hêtres et de châtaigniers ; il est des aiguilles rocheuses que rongent les