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M. de Caprivi n’a été que l’interprète de cette pensée impériale en donnant l’autre jour en plein parlement le mot d’ordre de cette campagne nouvelle.

Malheureusement, dans toutes ces entreprises plus ou moins inspirées d’un esprit de réaction, il ne suffit pas de vouloir. La loi nouvelle a eu pour premier effet de provoquer des divisions profondes, une sorte de déplacement ou de désorganisation dans les partis, de susciter les discussions les plus vives, des discussions où M. de Caprivi a soulevé des orages et a même été quelque peu sifflé. La loi scolaire a sans doute toujours pour elle les catholiques du centre, pour qui elle est une revanche, les protestans antirévolutionnaires, ceux qui suivent invariablement le mot d’ordre du gouvernement ; elle a contre elle quelques conservateurs indépendans, les progressistes, les nationaux libéraux qui sont fort réduits en nombre depuis qu’ils ont été conquis et ralliés par M. de Bismarck, mais qui comptent encore par le talent. Elle a été combattue comme une violation de la liberté de conscience par M. Richter, par M. Virchow, même par M. de Bennigsen, qui est un ancien libéral rallié, qui est aujourd’hui président de la province de Hanovre, mais qui n’a pas craint de se séparer du gouvernement. Il y a mieux. Des scissions auraient éclaté jusque dans le conseil des ministres, où la loi nouvelle aurait rencontré des adversaires. On dit même que le ministre des finances, M. Miquel, qui est lui aussi un ancien national libéral rallié comme M. de Bennigsen, serait allé jusqu’à offrir sa démission à l’empereur. De sorte que quelques-uns des ministres garderaient une attitude d’hostilité passive ou muette, tandis que M. de Caprivi et M. de Zedlitz soutiennent seuls le combat pour le projet impérial.

C’est une situation au moins singulière, d’où on ne s’est tiré provisoirement que par un expédient parlementaire, en nommant une commission occupée en ce moment à étudier cette réforme scolaire et peut-être à chercher une transaction. Quelle que soit cette transaction, s’il y en a une, la pensée de la réforme survivra certainement, parce que l’empereur parait tenir à sa politique de moralisation allemande, parce qu’il se croit assez au-dessus des partis pour leur imposer sa volonté. Après cela, la situation en sera-t-elle beaucoup meilleure ? Par une loi qui passera plus ou moins pour une œuvre de réaction cléricale, le gouvernement impérial n’aura-t-il pas donné des armes aux révolutionnaires qu’il redoute et qu’il croit combattre ? Ne se serait-il pas préparé à lui-même des difficultés ! Chose curieuse à remarquer dans tous les cas ! il y a quinze ans, c’était le Kulturkampf, la guerre au cléricalisme qui régnait en Allemagne ; aujourd’hui, c’est la politique de concession aux influences religieuses qui reprend l’ascendant. M. Windthorst, l’habile tacticien, triomphe après sa mort, par tout ce qui a été fait depuis quelques années et par cette dernière loi