Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/905

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Maine, de Touraine et de Ponthieu. Le refus qui fut fait à d’exorbitantes prétentions aboutit à la fatale bataille d’Azincourt.

Quant au duc Jean de Berry, auquel revient une grande partie des malheurs du temps, il mourut presque pauvre dans son hôtel de Nesle, à Paris. Grand nombre des richesses artistiques qu’il avait amassées furent vendues à des trafiquans ou livrées aux Anglais. Au château de Mehun, on découvrit de véritables trésors bibliographiques, dont quelques-uns sont restés les purs joyaux de nos bibliothèques actuelles. Les plus remarquables sont : le Livre de Lancelot du Lac, celui de Godefroy de Bouillon, la traduction des Femmes nobles et renommées de Boccace, le Roman de la Rose, de la Violette, le Testament de Jean de Mehun, chef-d’œuvre exquis de la miniature, et le Manuscrit de Jean Froissart. Cette collection précieuse de manuscrits et de livres est la seule circonstance atténuante qui milite en faveur du duc néfaste. Charles VI donna au fils du duc défunt la province du Berry ; ce fils mourut jeune, et la province passa aux mains de son frère Charles. Fiancé à Marie d’Anjou, ce mariage en perspective lui valut, dès l’enfance, la haine de Jean sans Peur et des Bourguignons.

De même que Bourges avait été, au temps de Jules César, l’un des derniers remparts des Gaules, de même, sous Charles VII, dit le Victorieux, cette ville était toute la France. C’est la raison qui fit que l’amant d’Agnès Sorel, la trop célèbre Dame de Beauté, fut ironiquement appelé le roi de Bourges. Le mince royaume de France était menacé de disparaître, lorsqu’une simple fille du peuple, Jeanne la Pucelle, animée du souffle divin qui fait les héros et les martyrs, l’arracha aux mains des Anglais et le sauva des factions qui voulaient le diviser.

Je ne dirai de Jeanne que ce qu’elle fit à Bourges et dans ce Berry, où, par deux fois, battirent les suprêmes pulsations de la patrie expirante, et dont la capitale a été jusqu’à ce jour préservée de l’occupation étrangère. L’histoire est aussi tenue de rappeler les noms des preux de cette province qui combattirent sous l’oriflamme de la vierge inspirée. Nous en retrouverons quelques-uns déjà connus de nous, et dont les ancêtres s’étaient illustrés sur maints champs de bataille : George de La Trémouille et Guillaume d’Albret ; Jean de Brosse et Philippe de Culan, tous les deux maréchaux de France ; l’amiral Louis de Culan et Charles de même nom, grand-maître de France ; Jean de Prie, grand-panetier, et Jean de Naillac ; Jean, baron de Linières, grand-queux de France ; Guillaume de Gamaches, capitaine des francs-archers de Berry et de Sologne ; Jean de Bar, Raoul de Gaucourt, et Potin de