Page:Revue des Deux Mondes - 1892 - tome 109.djvu/904

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les deux frères du connétable de ce nom, Le Borgne de Cluys et Philippe de Chauvigny. Plusieurs de ces chevaliers batailleurs moururent sur la plage africaine. Dans la seconde, je retrouve encore les noms de Philippe d’Artois, Guy de La Trémouille, maréchal de Boucicaut, messire Philibert de Naillac, seigneur du Blanc, de Châteaubrun et de Gargilesse, Hélion de Naillac et Louis de Culant. En 1403 s’éteignit, à Paris, l’une des plus grandes illustrations du Berry, Louis de Sancerre, connétable de France. En mourant, Du Guesclin lui avait remis, comme au plus digne, l’épée qui était l’insigne de cette dignité. « C’était belle chose, dit Juvénal des Ursins, de l’entendre, quelques heures avant sa mort, remercier Dieu de ce qu’il l’avait préservé de tant de périls où il avait été, de mort soudaine, de guerre et autrement. » Il fut enterré à Saint-Denis, à côté de Du Guesclin, son émule en bravoure et loyauté. « Enfans, disait-il à ses soldats, gaignés bel et perdés bel, c’est-à-dire que, en quelque estat que un homme se trouve, il doit toujours faire son honneur. »

Bayard, Du Guesclin, Chauvigny, Louis de Sancerre, le chevalier d’Ars, voilà les grands noms qui perpétueront à jamais la bravoure chevaleresque de la noblesse française à cette époque. Les rapines de quelques hobereaux, quelques blasons ternis par des chevaliers félons, n’en pourront amoindrir jamais la loyauté et le fier caractère.

La lutte entre la France et l’Angleterre était à peine suspendue depuis peu d’années, qu’éclata la guerre civile entre Armagnacs et Bourguignons. Elle eut son effet jusqu’en Berry. C’est alors qu’on vit le roi de France, Charles VI, faire le siège de la ville de Bourges pour mettre à la raison l’ingrat duc Jean, qui s’était allié aux Armagnacs. Elle dut ouvrir ses portes. Le duc fut contraint, pour payer ses Irais de guerre, de vendre à des juifs tout ce qu’il possédait en diamans, rubis, saphirs, camées antiques et tableaux. Ce n’était qu’un commencement de ses restitutions. Les Anglais qui, commandés par le duc de Clarence, étaient venus, sur leur demande, au secours des rebelles, leur firent, en gens pratiques, chèrement payer leur aide. Ils réclamèrent 320,000 écus d’or au duc d’Orléans. Celui-ci, ne pouvant s’exécuter, donna en otage Jean d’Orléans, comte d’Angoulême, lequel resta vingt-deux ans en captivité à Londres. Guillaume Le Bouteiller de Senlis, seigneur de Saint-Chartier, Ville-Dieu, Neuvy et Pailloux, tous fiels situés en Berry, fut contraint de vendre ses domaines pour « rembourser aux frais de prison et moyenner sa délivrance. » Non satisfait par tant de sacrifices, le roi Henri V d’Angleterre réclama les duchés de Normandie et de Guyenne, les comtés d’Anjou, de Poitiers, du