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devant Du Guesclin, puis pendus par les valets de l’armée aux abords de la ville. »

Avec Sainte-Sévère, les Anglais perdirent tout ce qu’ils avaient en Berry. Le Poitou leur échappa après l’heureuse bataille de Chiré en 1373. Il ne leur resta plus que Bayonne, Cahors et Bordeaux.

Un demi-siècle plus tard, Jeanne d’Arc dut reprendre, à la suite de nouvelles invasions, l’œuvre commencée par le connétable Bertrand Du Guesclin. Pourquoi le premier libérateur a-t-il reçu moins d’hommage que le second ? Comment a-t-il été possible qu’ils fussent séparés dans le tribut de reconnaissance que la France leur doit ? Entre Mende et Langogne, dans un des sites les plus désolés de la Lozère, non loin d’un ruisseau et à quelques centaines de mètres des ruines de Châteauneuf- Randon, s’élève, sans art aucun, un monument commémoratif du lieu où mourut le héros. Cela manque de grandeur, et c’est indigne du souvenir qu’il prétend évoquer ; visitez ce triste lieu, relisez Froissart, et vous joindrez certainement votre voix à celles qui demandent pour le connétable un monument en rapport avec les services qu’il rendit.


VIII. — JEANNE D’ARC, JACQUES COEUR, AGNÈS SOREL.

Le duc Jean, non satisfait des revenus qu’il retirait de son duché, se fit donner, en outre, la lieutenance-générale de la Guyenne. Il l’exploita, mais d’une façon tellement cynique, que Charles VI, tout rou qu’il était, dut intervenir. Comme le lieutenant-général était trop puissant pour être atteint, et qu’il fallait un exemple, c’est un maltotier du nom de Betizac, âme damnée de son maître, qui en servit. Dans l’espoir d’échapper à la justice du roi, Betizac se prétendit hérétique, et par ce fait devint justiciable de l’évêque de Béziers. Celui-ci, sans une minute d’hésitation, le condamna à être brûlé vif. « Il mourut, dit Froissart, en criant dans son agonie : « Duc Jean, on me fait mourir sans raison ! »

La folie du malheureux Charles VI était intermittente : entre deux éclaircies où sa raison reparut, il autorisa la noblesse du Berry à prendre part à deux lointaines expéditions : l’une en Tunisie, l’autre en Terre-sainte, avec Jean sans Peur. Dans la première figurent Guy de La Trémouille, Philippe d’Artois, de Linières et de Sainte-Sévère, puis Jean III, comte de Sancerre, et Etienne, tous