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Le prince Noir qui avait ouvert les hostilités contre la France dès l’année 1339, et couvert de ruines les campagnes d’Auvergne et du Berry, fut pourtant repoussé de Bourges, d’Issoudun et de Châteauroux par les habitans qui avaient juré de se sacrifier à la défense de leur ville. Le prince anglais ne tarda pas à prendre une revanche éclatante de ces insuccès en gagnant la bataille de Poitiers. Là, périrent encore bon nombre d’habitans du Berry dont les noms obscurs resteront à jamais perdus dans un éternel oubli. Avec eux tombèrent André de Chauvigny, vicomte de Brosse, seigneur du Chastelet ; Guillaume de Linières, Jean, seigneur de Milly ; Jean et Seguin de Cluis et Jean de Sancerre. D’autres prisonniers de grande noblesse figurent dans ce désastre, au nombre desquels je relève le nom toujours glorieux entre tous les noms glorieux du Berry, celui du comte de Sancerre.

Avec la captivité du roi Jean, en Angleterre, l’histoire de la province reste comme interrompue, disparaissant sous les désastres qui s’abattent sur elle. Au nom du prince Noir, les Anglais occupent Vierzon, qui ne revint définitivement à la France qu’en 1370 ; la ville d’Aubigny, dans le Cher, de l’apanage de la maison d’Évreux, est prise par escalade ; il en est ainsi du château de Gordon sur la Loire et de la riche abbaye de Saint-Satur ; l’Anglais occupe Pallnau, Buzançais, Chabris, Briantes, les châteaux de Mont-rond, du Chassin, du Lys-Saint-Georges et bien d’autres. On fait la guerre dans ce qui est toujours appelé le Berry, soit au nom du prince de Galles, soit au nom du roi de France. Les seigneurs se battent pour leur propre compte, sans distinction de bannière, et l’on voit un Guillaume de Barbançon, seigneur de Sarzay, s’emparer de La Châtre à la tête de quarante lances, et y commettre mille infamies. Les paysans, que leurs seigneurs ne protègent plus, se réunissent en bandes, créent ce qu’on appelle la Jacquerie, et pillent, tuant tout ce qui n’est pas assez fort pour se défendre.

Lorsque fut signé en 1360 le calamiteux et humiliant traité de Brétigny, l’Angleterre stipula que les forteresses du Berry et du Bourbonnais seraient restituées au roi de France, Jean le Bon ; beaucoup de ceux qui les détenaient ne voulurent pas les rendre, et les plus tenaces furent les soldats de fortune qui disaient les garder par ordre du roi de Navarre, Charles le Mauvais. Jean, pour dédommager son troisième fils auquel il enlevait le Poitou pour le donner aux Anglais, détacha le Berry de la couronne, et le lui donna en apanage. C’était presque défaire ce qui avait coûté tant d’efforts, d’argent et de ruse à Philippe Ier et à saint Louis.

À cette occasion, la province fut érigée en duché-pairie, et,