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une galerie sombre invitant au recueillement. Transformée en forteresse au temps des guerres des Anglais, elle ne leur ouvrit jamais ses portes. Sa conservation est parfaite, grâce, sans doute, à M. Muret de Bord, qui, en 1847, obtint du gouvernement la somme de 92,000 francs pour la faire réparer.

On se souvient qu’à la mort du dernier prince de Déols, ce puissant seigneur laissa comme seule et dernière héritière de biens immenses, une enfant de trois ans, Denise. A divers titres, sa tutelle fut réclamée par Henri II d’Angleterre. Les autres parens de Denise qui habitaient en Berry, voulant prévenir une telle prétention, la conduisirent à Eudes, seigneur de La Châtre, son oncle paternel. Le souverain anglais ne l’entendit pas ainsi, et à la tête d’une forte armée, il vint jusqu’à Châteauroux pour faire valoir ses droits. Le comte Eudes, très prudemment, remit l’enfant à qui la réclamait ; elle fut conduite à Chinon sous bonne garde, et puis plus tard en Angleterre.

Louis VII, exaspéré par tout ce que Henri II se permettait sur le continent, lui demanda de se rendre à Graçay, — de nos jours un petit chef-lieu de canton du département du Cher, — afin d’arriver à une entente pacifique. L’entrevue ne donna aucun résultat, et le vieux roi de France se borna à dire à son orgueilleux rival : « O roi ! depuis que le commencement de votre règne et avant, vous m’avez comblé d’outrages en foulant aux pieds la fidélité que vous me deviez et l’hommage que vous m’aviez prêté… et de tous ces outrages, le plus grand, le plus manifeste, c’est votre injuste usurpation de l’Auvergne que vous détenez au détriment de la couronne de France. Certes, la vieillesse m’ôte la force de recouvrer cette terre et d’autres, mais devant Dieu, devant ces barons du royaume et nos fidèles, je proteste publiquement pour les droits de ma couronne, et notamment pour l’Auvergne, le Berry et Châteauroux, Gisors et le Vexin normand ; suppliant le roi des rois qui m’a donné un héritier, de lui accorder ce qu’il m’a dénié à cause de mes péchés, la grâce de recouvrer ces droits ! Donc, je confie la cause du royaume à Dieu, à mon héritier et aux barons de la couronne. » Ce disant, dit le chroniqueur, il se tourna vers les siens, le visage couvert de larmes : Et sic reversus ad suos cum lacrymis, colloquium terminavit. Philippe, l’héritier désigné, le vengeur futur que la postérité devait proclamer Auguste, exauça les vœux de son père outragé ; il infligea à la dynastie des Plantagenets plus d’une humiliation, et, ce qui faisait mieux les affaires de la France, l’obligation de restituer plus d’une terre arrachée par violence ou duplicité à ses maîtres légitimes.

Philippe, déclarant la guerre aux Anglais, quitte Bourges pour