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A rapprocher de ces actes, comme inspirés du même esprit, le refus, malgré la double présentation du Collège de France et de l’Académie des Sciences, de nommer à la chaire de Laënnec, Magendie, un des fondateurs en France de la science expérimentale, déjà célèbre par d’importantes découvertes en physiologie, et la nomination à sa place du candidat de la Congrégation, le docteur Récamier, inconnu la veille, ignoré le lendemain.

Guerre aux idées, à la philosophie, à la science, tel est donc le mot d’ordre. Il retentit partout, dans la presse légitimiste et religieuse, qui va jusqu’à publier un index où sont marqués tous les ouvrages du XVIIIe siècle sans exception ; à la tribune des deux Chambres : « Le gouvernement connaît le mal à détruire, dit le rapporteur du budget de 1821, le bien à opérer. Il a la volonté et les moyens d’empêcher l’un et de faire l’autre. Espérons donc que bientôt les principes religieux, les doctrines monarchiques et les saines maximes de l’enseignement qui ont produit les hommes immortels du grand siècle, l’emporteront sur ces extravagantes théories, qui, sous le spécieux et absurde prétexte d’une chimérique perfectibilité indéfinie, précipitent les nations vers l’ignorance et la barbarie. » Condamnation en bloc de toute la pensée du XVIIIe siècle et de ce qui commençait à briller de la pensée du XIXe.

La jeunesse n’assistait pas indifférente et passive à ces actes. Il n’en avait pas fallu autant pour l’agiter, en 1819. La fermentation, un instant apaisée, recommence et bouillonne à peu près partout à la fois, à Paris, à Grenoble, à Toulouse, à Poitiers. On crie : Vive la charte. » On crie aussi : « A bas les missionnaires. » Tout devient une occasion à la manifestation des sentimens libéraux, la première leçon du docteur Récamier, au Collège de France et les obsèques du général Foy. Armé des règlemens, le gouvernement frappe les individus.

Ce ne fut pas temps de chômage pour les conseils académiques. Jamais il ne leur fut déféré plus d’étudians. Devant celui de Toulouse, par exemple, c’est, on 1822 et 1824, un véritable défilé : « Deux étudians convaincus d’avoir troublé le spectacle en sifflant à deux reprises le refrain qui se trouve dans une des ariettes de l’opéra du Déserteur : « Vive le roi ! vive à jamais le roi ! » exclus pour quinze mois de la faculté. Un étudiant convaincu d’avoir crié : « Vive la Charte, » arrêté et renvoyé en police correctionnelle. Un étudiant convaincu « d’avoir chanté la Marseillaise sur une promenade, » exclu pour un an. Un autre « convaincu d’avoir gardé son chapeau sur la tête pendant que la procession passait, » admonesté. Deux autres, déjà condamnés en correctionnelle « pour