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présidait et la personnifiait, Royer-Collard. On ne manquait pas d’imputer ces désordres à l’esprit détestable de l’Université et d’en faire grief à la Commission.

On lui avait fait la vie rude à cette Commission depuis son origine. L’assaut lui était venu de toutes parts, de la tribune, de la presse, de la chaire, du camp des ultras, du camp même des libéraux. Dès son premier jour, à la Chambre introuvable, on avait suscité contre elle et contre l’Université un inconnu, porteur des haines et des pensées de la majorité, et la majorité avait voté cette motion : « La religion sera désormais la base essentielle de l’éducation. Les collèges et pensions seront sous la surveillance immédiate des archevêques et évêques qui en réformeront les abus. Les évêques pourront augmenter le nombre des séminaires selon les besoins de la religion, les ressources et la population de leurs diocèses ; ils nommeront aux places de principal des collèges et pensions ; le principal nommera les professeurs ; néanmoins les évêques pourront renvoyer parmi ceux-ci les sujets incapables ou dont les principes seraient reconnus dangereux. Les universités, telles qu’elles existent aujourd’hui, subsisteront et seront sous la surveillance du ministre de l’intérieur. Il sera avisé aux moyens d’allier la religion et les mœurs, au soin de faire fleurir les talens littéraires. La Commission centrale d’instruction publique dont les pouvoirs et les attributions remplacent ceux de l’ancien Grand-Maître demeure supprimée. »

Après la Chambre introuvable, l’offensive se déplace, mais elle reste aussi vive. C’est La Mennais revenant à la charge dans des pamphlets retentissans ; c’est Chateaubriand, dénonçant dans l’Université « le double vice du despotisme et de la démocratie, » le despotisme dans son administration, la démocratie dans ses doctrines ; ce sont des libéraux, comme Benjamin Constant, s’élevant contre le monopole universitaire au nom de la liberté, et limitant l’action du gouvernement à veiller et à préserver. Bientôt, les attaques reparaissent à la tribune. Une fois, c’est Voyer d’Argenson, un libéral, refusant de voter la contribution universitaire « parce que l’établissement de l’Université est une usurpation du despotisme sur les droits d’un peuple libre ; .. parce qu’un corps enseignant placé dans la main du pouvoir est la plus mauvaise de toutes les garanties contre les prétentions et les entreprises de certains autres corps voués à la même carrière[1]. » Une autre fois, c’est un membre de la droite, de Marcellus, tonnant contre les écoles licencieuses, séditieuses et impies[2] ; puis un autre membre de

  1. Chambre des députés, Discussion du budget de 1819.
  2. Ibid., 29 mai 1819.