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sommes pas en mesure de tenter de le faire lever. Dans cette désagréable situation vous verrez, par mes lettres officielles, ce que j’ai proposé aux généraux alliés, et ce que nous sommes convenus de faire. Les mouvemens rétrogrades sont toujours ennuyeux et ont mauvaise apparence, mais ils sont aussi quelquefois salutaires. Je suppose que c’est le cas, et, quoi qu’il en soit, c’est ce que nous pouvons faire de moins mal ; car, dans notre situation présente, nous n’aurions pas tardé longtemps sans nous exposer à un affront fatal. » — « Je tiens comme je le dois (dit-il encore dans la même lettre) lord Sandwich au courant de tout… Il n’est pas moins convaincu que nous ne le sommes tous de la nécessité de conclure immédiatement avec M. de Saint-Séverin… Le temps presse, et je suis convaincu qu’il ne laissera pas échapper une occasion favorable[1]. »

Très touché d’entendre tenir ce langage par le chef de l’armée, partageant d’ailleurs l’émotion générale, le ministère anglais se décida sans délai à envoyer à Sandwich des instructions nouvelles. On l’autorisa à se montrer plus coulant sur la plupart des points (le bannissement du prétendant seul excepté) qui avaient fait matière à contestation dans la première conférence. Au sujet du port de Dunkerque, on consentait à entrer dans une distinction déjà proposée par d’Argenson et à borner la démolition demandée aux défenses maritimes du port, en laissant subsister les fortifications du côté de la terre auxquelles la France paraissait tenir essentiellement pour la sécurité de sa frontière septentrionale. Quant à l’établissement italien de l’infant, la concession était plus complète, et chose singulière, elle était faite exactement dans les mêmes termes que ceux qui étaient proposés par l’Autriche : à savoir l’érection en principauté indépendante des duchés de Parme et de Plaisance. Quelle était dès lors la différence entre les offres de Vienne et celles de Londres ? Elle devenait à peu près nulle, il faut en convenir, en ce qui touchait les conditions immédiates de la paix et celles où la France était personnellement intéressée. Mais voici où commençait la distinction et même la contradiction directe. L’Angleterre réclamait une adhésion explicite sous forme de confirmation ou de garantie, de toutes les cessions territoriales faites soit à la Prusse, soit à la Sardaigne, par les traités de Dresde et de Worms, tandis que l’Autriche mettait un prix égal à ne laisser attacher aucune sanction nouvelle à des stipulations qui lui étaient devenues toutes également odieuses. Ainsi, on n’allait plus disputer pour savoir quels termes la France aurait à accepter pour elle-même le jour de la paix (à cet égard, de guerre

  1. Cumberland à Pelham, 23 avril 1748. (Pelham administration, t. Ier, p. 418.)