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LES ANGLAIS EN BIRMANIE.


terre. Les devoirs qui incombent même à un très jeune fonctionnaire de l’Inde sont plus importans que ceux qui, d’ordinaire, incombent au profesional man anglais. Ce n’est pas tout. Une personne engagée dans une carrière libérale peut, dans la métropole, tout en menant de front ses occupations, continuer à perfectionner son esprit en lisant et en causant. Le fonctionnaire de l’Inde est souvent, durant une grande partie de sa vie, stationné loin des bibliothèques et de la société des Européens : il lui sera donc particulièrement difficile, dans son âge mûr, de combler par l’étude les lacunes de son instruction première. »

Ce raisonnement triompha : les programmes furent rédigés suivant les idées de lord Macaulay. Depuis 1854, on les a souvent remaniés, mais le même esprit y prévaut encore. Ouvrez l’India office list de 1891 ; cherchez le programme des concours d’admissibilité de 1891 et de 1892, vous trouverez qu’il y est fait une part considérable à la littérature, à toutes les sciences, à l’histoire, aux langues vivantes ; quant aux connaissances techniques, elles y sont fort modestement représentées : quelques chapitres de l’histoire de l’Inde, les élémens du sanscrit ou de l’arabe, et c’est tout. La spécialisation viendra plus tard, durant la probation[1].

  1. La probation a, depuis 1866, duré et dure encore deux années. À partir de 1892, elle sera réduite à une seule. Cette réduction, qui sera, je crois, préjudiciable au recrutement du civil service, tient à ce qu’on vient de changer les limites d’âge. La question de la limite d’âge est, — j’y reviendrai plus loin, — une question très grosse. L’État n’admet pas de candidats trop jeunes, parce qu’il les veut déjà vigoureux et instruits, ni trop âgés, parce qu’il les veut souples de corps et d’esprit. La commission de 1854, présidée par lord Macaulay, avait fixé comme maximum d’âge vingt-trois ans et comme minimum dix-huit, tout en déclarant que dix-huit ans lui paraissaient une limite extrême et qu’un candidat de cet âge n’aurait pour lui que fort peu de chances. Plus tard, sous l’empire de nécessités qu’il serait trop long d’exposer, on abaissa ces limites à dix-sept et à dix-neuf ans, et, du même coup, on allégea les programmes. Mais, d’autre part, on instituait (1866) un temps d’épreuve (probation) de deux années, ce qui donnait des fonctionnaires de dix-neuf ans à vingt et un ans. C’est le système qui fonctionne aujourd’hui encore. Pour 1892, on a modifié une fois de plus la limite d’âge. On s’est aperçu que ces fonctionnaires de dix-neuf à vingt et un ans étaient vraiment par trop jeunes et que ni leur autorité ni leurs forces n’étaient au niveau des difficultés et des fatigues de leurs fonctions. En conséquence, on a relevé les limites d’âge minimum à vingt et un et maximum à vingt-trois ans ; mais alors on a réduit d’une année le temps d’épreuve. Les nouveaux fonctionnaires, soumis au régime de 1892, auront donc de vingt-deux à vingt-quatre ans. C’est là un âge très raisonnable. Et s’il n’y avait à considérer que la question d’âge, tout serait pour le mieux. Mais il y en a une autre qui est celle-ci : Ces fonctionnaires n’ont, pour se spécialiser, que le temps de la probation. Réduite de deux à une année, ne sera-t-elle pas insuffisante ? Je le crains. Toutefois, les probationers ne sont pas tout de suite et de plein droit fonctionnaires. Nous verrons plus loin quelle est leur situation de début et comment on fait leur éducation pratique.