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presse de Cape-Town. C’était une lettre adressée de Berlin à un journal de Hollande, le Wereldburger (Cosmopolite) et qui, insinuait-on, devait émaner des alentours de l’ambassade anglaise : « L’article 4 de la Convention de Londres, » écrivait-on, « laissait à la république sud-africaine (Transvaal) une porte d’expansion ouverte au nord, et le gouvernement britannique n’aurait certainement pas songé à fermer cette porte s’il n’avait pas acquis la preuve que le Transvaal, égaré par des intrigues, avait en vue un futur protectorat de l’Allemagne… Le plan était que la république passerait un traité avec Lobengoula, chef des Matébélés, dont les prétentions s’étendent aussi sur le pays du Khama. Ceci aurait mis le Transvaal en contact avec le protectorat allemand de la côte ouest. La république sud-africaine aurait alors annulé la Convention de Londres et se serait placée sous l’égide de l’Allemagne, pour finalement se déclarer indépendante. Ces intrigues avaient déjà commencé à l’époque où l’Allemagne mit la main sur Angra-Pequeña… Le gouvernement britannique savait une ou deux choses, mais il n’y attachait pas grande importance, jusqu’à ce qu’enfin, en 1887, le chemin de fer transvaalien tombât dans les mains de banquiers berlinois… Lobengoula devait prendre l’engagement de placer 20,000 hommes à la disposition de la république sud-africaine, ostensiblement pour rejeter les Cafres du district de Zoutpansberg au-delà du Limpopo. Les armes et les munitions seraient fournies par le Transvaal. »

Ce fut un peu, sans doute, pour obvier à ces périls probablement très exagérés, que le commissaire-adjoint du protectorat britannique, M. Moflat, négocia une convention avec Lobengoula dans le premier trimestre de l’année 1888. C’était un simple pacte d’amitié, mais avec la clause essentielle que toute cession ou vente du territoire malébélé dépendrait du consentement de l’Angleterre. Ainsi fut créée, au nord du protectorat, une sphère d’influence. Sir Hercules Robinson saisit l’occasion d’un banquet, à Kimberley, pour annoncer une politique « d’en avant, » — forward policy ; — il montrait du doigt le chemin du Zambèze.

Mais alors s’élevèrent de grosses difficultés avec le Cap.

À ce moment, la colonie ne désespérait pas encore d’attirer le Transvaal dans une alliance sud-africaine dont le Tolverbond (Union douanière) serait le premier gage. L’État libre consentait ; il fallait beaucoup de prudence pour ne pas effaroucher l’autre république. Il ne fallait pas trop encourager la métropole anglaise. Puis, certaines tendances du public, à Londres, indisposaient le parti afrikandériste. C’était M. Mackenzie, ancien missionnaire, peu ami des boers, qui voulait faire disjoindre les offices de