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s’informait aussi de l’état des approvisionnemens en fait d’armes de chasse ou de guerre, et manifestait l’intention d’en acheter, si possible. M. Rolland, le fonctionnaire placé là par les autorités du Cap, crut, sans doute, que la colonie et la métropole se souciaient également peu de ce « carré de sable nu. » Les envois d’armes lui faisaient-ils soupçonner quelque arrangement déjà conclu ou à conclure bientôt entre Berlin et Londres pour la cession du territoire ? Sa réponse au chef Witbooi trahissait-elle une perplexité, d’ailleurs, excusable ? Il se déclarait sans informations, mais il ne repoussait pas comme inadmissible la prévision qui lui était soumise. Insistant même sur l’excellent état des rapports diplomatiques entre l’Allemagne et l’Angleterre, il conseillait surtout au principicule sauvage de ne pas se brouiller avec le commissaire du protectorat germanique ; enfin, il offrait de lui ménager une entrevue avec ce résident, le docteur Goering. Le fait est que dans l’entourage de M. Rolland on redoutait fort des troubles pouvant mener à une attaque des Namaquas et au massacre de la petite colonie européenne. Pour ce motif, peut-être, il convenait de ne pas laisser Hendrik Witbooi sous l’impression d’une querelle aiguë entre les Anglais et les Allemands ; toutefois, le gouvernement du Cap trouva que son représentant avait dépassé la mesure et le rappela quelques mois après, pour raisons de santé. Il approuva seulement l’attitude générale de ce fonctionnaire, qui avait cru devoir renvoyer le schooner Meta, en priant le capitaine de débarquer ses armes ailleurs, et qui avait été jusqu’à faire mettre hors de service les fusils appartenant à l’administration allemande de la marine, par l’ablation des parties essentielles. A Cape-Town, cette occasion parut favorable pour affirmer solennellement qu’on entendait bien conserver la baie Valfich. On mena grand bruit du péril créé par le passage d’armes et de munitions allemandes ; Hendrik Witbooi devint une façon de mahdi hottentot prêt à soulever le Namaqualand et à exterminer les blancs. Vingt-cinq mounted riflemen, avec un petit canon, furent temporairement détachés sur les lieux. En même temps, les archives compulsées donnaient une base historique aux droits de la colonie : on prouva qu’en 1793 le vaisseau hollandais Meermin avait planté tout du long de la côte jusqu’à « Walvisch baai, » des stèles à l’écusson de la compagnie néerlandaise des grandes Indes. Dans cette théorie, le Cap semblait un héritier plus direct que l’Angleterre. Enfin, le premier ministre, sir Gordon Sprigg, rédigea une note qui fut remise au gouverneur avec prière de la transmettre à Londres. Il s’agissait d’obtenir du foreign office qu’il fit entendre quelques remontrances à Berlin. Ce document, comme