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du ciseau ne sera perdue ; il lui donne ainsi le goût de cette exécution merveilleusement soignée qui est la perfection même et que les gens du métier admirent si fort dans les monumens de l’Acropole d’Athènes. Il y a d’ailleurs des marbres de diverses couleurs : tôt ou tard on s’avisera de les rapprocher. C’est ainsi qu’à partir du IVe siècle, les architectes se servent souvent du marbre gris de l’Hymette ; ils lui assignent, dans leurs constructions, certaines places toujours les mêmes, où il tranche, par sa teinte foncée, sur le ton plus clair de la pierre du Pirée ainsi que sur la blancheur des blocs arrachés aux flancs du Pentélique. Il y aura là, dans cette juxtaposition calculée de matériaux différens, une ressource pour l’art, lorsqu’il se mettra en quête de combinaisons qui le renouvellent et le rajeunissent.

Si le marbre, ici, surabonde assez pour que l’architecte ait pu, dans certaines parties de la Grèce, en user aussi largement qu’il le fait ailleurs de la pierre, c’est surtout à la sculpture qu’il a rendu des services que l’on ne saurait évaluer à un trop haut prix. Sans le marbre qui a manqué à l’Egypte et à la Chaldée, la statuaire grecque, selon toute apparence, n’aurait pas été ce que l’ont faite les maîtres qui, à partir du VIe siècle, ont commencé de s’attaquer à cette matière et qui n’ont pas tardé à comprendre combien elle était supérieure à toutes les autres, comme elle se prêtait mieux à rendre toutes les finesses du contour onduleux et souple de la forme humaine et à en marquer tous les accens. Le génie naturel de la race et les conditions du milieu sont, sans doute, pour beaucoup dans les progrès rapides que la sculpture fit, depuis ce moment, dans tous les ateliers du monde hellénique ; il y a pourtant lieu de croire que le marbre y est pour plus encore. C’est lui, lui seul qui a permis à l’artiste de se corriger des sécheresses du bois et de cette touche lourde et dure à laquelle l’avait trop longtemps accoutumé la mollesse du tuf calcaire ; il lui a fourni les moyens de copier plus fidèlement, en la serrant de plus près, cette nature que dès lors il regardait d’un œil ému et curieux. Le marbre statuaire se rencontre en plus d’un point de la Grèce. Il y en a dans le Péloponèse, près de Tégée ; Scopas l’a trouvé presque à pied d’œuvre pour y tailler les figures des frises et des frontons du temple d’Athéné Aléa ; l’Attique en a toute une montagne ; les Cyclades ont le Paros, le plus beau de tous, le plus lumineux, celui dont les blonds cristaux et le doux éclat rappellent le mieux les tons chauds de la chair vive.

En revanche, les métaux manquent à la Grèce. Il n’y a jamais eu, dans toute la péninsule, qu’une seule exploitation minière qui ait donné des résultats vraiment fructueux, c’est celle du Laurium,