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LES ANGLAIS EN BIRMANIE.


Toutefois, quand des Européens éclairés et sagaces ont, durant de longues années, entretenu des rapports constans avec ces populations si variées ; quand ils ont su amasser et se transmettre de main en main le trésor de l’expérience, ils peuvent arriver, moyennant une attention qui ne se lasse jamais, à éliminer des problèmes qui surgissent de très nombreuses inconnues et, le jour où ils pénètrent chez un peuple nouveau, trouver leur tâche simplifiée. Sans doute, ils ne savent pas tout de suite quelle conduite tenir et quelles dispositions prendre ; du moins, ils savent quelle méthode adopter pour s’en instruire rapidement. Leur enquête se fait avec certitude, sur les points et près des hommes qui conviennent. Ils n’ont plus alors qu’à se souvenir et à comparer. Assurément, ils n’évitent pas les erreurs ; mais celles qu’ils commettent sont moins fréquentes, moins graves et plus tôt reconnues. Tel est le cas des Anglais en Birmanie, et le succès tout relatif qu’ils y obtiennent tient à ce que, dans l’Inde depuis cent années, en Indo-Chine depuis cinquante, ils ont appris le maniement des populations et se sont, cette fois-ci, gardés de la plupart des fautes de 1824 et de 1852.

On conçoit, après cela, de quel prix peut être le spectacle de leurs entreprises aux fortunes diverses pour un peuple qui en poursuit d’analogues aux leurs. Toutefois, je l’ai déjà dit, n’attendons pas trop d’une pareille étude. Elle ne nous apprendra presque rien que nous ne sachions déjà. Les vérités qu’elle permet de dégager ne sont certes pas des vérités neuves. Les principes du gouvernement des colonies sont dès longtemps fixés. Le manuel de la conquête matérielle et morale des peuples n’est plus à écrire. Nous avons suivi pas à pas les Anglais depuis leur entrée en Birmanie, au temps de la conquête et de la pacification, et ce que nous avons recueilli dans ce voyage se réduit à des axiomes que M. de La Palisse n’eût pas désavoués : « Pour vaincre sûrement et promptement, il est nécessaire d’avoir toujours et partout assez de troupes ; qui veut se faire aimer des peuples ne fera rien qui froisse leurs coutumes ou leurs préjugés. » Et c’est tout. Nous allons poursuivre notre route et examiner maintenant l’administration de la nouvelle province : ce que nous verrons ne sera davantage ni neuf, ni imprévu. Nous apprendrons que pour bien gouverner un pays, il convient de lui donner de bonnes lois et de bons fonctionnaires ; que pour la faire prospère, il lui faut assurer, outre la sécurité, un bon régime économique. Et ce sera tout encore.

Mais la facilité de ces constatations doit-elle nous détourner de notre dessein ? N’y a-t-il rien d’instructif derrière cette application, en apparence si naturelle, des principes les plus simples ? Ne le croyons pas. Il y a là un enseignement d’une haute