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quels ils s’exposent sans les atténuer, mais sans noircir le tableau. S’il s’agit d’accidens graves par leur nature même, comme les menaces d’angine de poitrine, comme les altérations de la langue et des lèvres, il faut être absolument affirmatif et prescrire l’abandon immédiat et complet de la cigarette ou de la pipe, car l’expérience a prouvé qu’on ne réussissait jamais à obtenir la cessation graduelle.

Les gens qui n’ont pas de raison sufiisante pour s’imposer ce sacrifice font bien, toutefois, de prendre quelques précautions, d’éviter les lieux où beaucoup de fumeurs sont réunis, d’aérer souvent la pièce dans laquelle ils se tiennent d’ordinaire, de ne jamais fumer dans leur chambre à coucher et surtout dans leur lit, pour ne pas dormir dans cette atmosphère. Je leur conseille également de ramener leur habitude à des proportions raisonnables. J’en ai l’expérience personnelle. Sur dix pipes ou cigares, il y en a cinq qu’on allume sans conviction, sans un vif désir, et qu’on fume d’une façon presque automatique ; en en supprimant la moitié, on double le plaisir que font éprouver les autres, et la santé s’en trouve bien.

Il faut résister également à la tentation de fumer à jeun et surtout avant le repas. C’est là, comme je l’ai dit, l’origine de la plupart des dyspepsies.

Les fumeurs de cigarettes qui les allument partout, en tout temps et sans relâche, doivent éviter d’aspirer la fumée comme ils le font en général, parce que cette pratique les expose aux accidens cardiaques dont j’ai parlé.

Les fumeurs de pipe qui ne sont pas des nomades, comme les précédens, et qui peuvent prendre leurs précautions, font bien de rechercher les pipes à long tuyau, de substance poreuse, et de les nettoyer avec soin. Une excellente habitude consiste également à se laver la bouche à l’eau fraîche toutes les fois qu’on a fumé.

Ces précautions sont faciles à prendre. Elles constituent un compromis qui n’a rien de bien pénible et qui est de nature à diminuer, dans de notables proportions, les inconvéniens d’une habitude à laquelle il est si cruel de renoncer que nombre de fumeurs préfèrent en subir les conséquences. C’est à ces impénitens que je m’adresse, avec l’espoir de les soustraire à la nécessité de faire un jour comme moi.

Jules Rochard.