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d’hygiénique. Tout le monde connaît les accidens qu’on éprouve lorsqu’on fume pour la première fois. Ce sont des nausées bientôt suivies de vomissemens, de mal de tête, de vertiges, un état assez analogue au mal de mer et rappelant, à l’intensité près, les premiers phénomènes de l’empoisonnement aigu par le tabac. Ces troubles se dissipent rapidement, et, lorsqu’on revient à la charge, l’accoutumance s’établit assez vite. Les expériences de Traube en donnent, comme nous l’avons vu, l’explication.

Lorsque l’habitude est acquise, la plupart des fumeurs ne ressentent plus aucun malaise ; il en est même qui peuvent se livrer impunément à leur penchant au moment de se mettre à table. Ceux-là sont l’exception. En général, l’action de fumer fait cesser le sentiment de la faim ; c’est même un moyen de prendre patience lorsqu’on ne peut pas le satisfaire. Après le repas, au contraire, le désir devient irrésistible. C’est le moment psychologique ; et le plaisir qu’on éprouve alors est plus vif qu’à tout autre moment de la journée. Pour certains fumeurs, la pipe ou le cigare sont la condition essentielle d’une bonne digestion ; mais il en est d’autres chez lesquels ils déterminent des troubles gastriques.

Les gens nerveux, ceux qui mènent une vie trop sédentaire, les hommes de cabinet, surtout lorsqu’ils ont la mauvaise habitude de fumer avant le repas, perdent peu à peu l’appétit. Une anxiété pénible, un état nauséeux le remplacent. Chez d’autres, il survient du pyrosis. Il est des fumeurs qui ne peuvent pas allumer un cigare, à certains momens de la journée, sans éprouver la sensation de fer chaud qui caractérise cette affection. Presque tous les fumeurs à outrance sont dyspeptiques, et cela s’explique par l’abondance de la salivation, la diminution du suc gastrique, et de l’énergie fonctionnelle de l’estomac.

Après les troubles digestifs les accidens les plus communs sont ceux qui s’observent du côté des voies respiratoires et du cœur. La pharyngite granuleuse est très commune chez les gens qui fument avec excès ; l’irritation de l’arrière-gorge se transmet souvent au larynx et il en résulte parfois une toux sèche, quinteuse, d’un caractère particulier. D’autres sont atteints le soir d’une oppression passagère, lorsqu’ils ont trop fumé dans la journée. On a même parlé d’une forme spéciale d’asthme causée par l’abus du tabac ; mais il faut qu’elle soit bien rare, car je ne l’ai jamais observée, quoique j’aie passé ma vie au milieu des fumeurs.

Les accidens cardiaques sont plus fréquens. Certains médecins prétendent même que le quart des fumeurs présentent des palpitations et des irrégularités du pouls. Je ne sais pas dans quel milieu ces observations ont été recueillies, mais je n’ai jamais rien vu de semblable. J’ai, comme tous les médecins, rencontré des cas