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soixante centimètres. Ses feuilles sont épaisses, molles, d’un vert foncé, chargées de poils visqueux. Les inflorescences terminales sont des grappes composées de cimes. La corolle, d’un jaune pâle, un peu verdâtre, est supportée par un calice campanule, couvert de poils glanduleux et terminé par cinq dents inégales.

Le genre nicotiana renferme une cinquantaine d’autres espèces originaires, pour la plupart, de l’Amérique, quelques-unes de l’Australie et des îles de l’Océan-Pacifique. Dans ce nombre, on en cultive quinze ou vingt qui donnent naissance aux différens tabacs étrangers dont la saveur et les propriétés sont très variées, ainsi que le savent tous ceux qui en font usage. Enfin quelques espèces, remarquables par la richesse de leur coloris et la grâce de leur port, sont cultivées dans les jardins comme plante d’agrément.

En France, le tabac destiné à la consommation est semé en mars ; on repique les jeunes plants à la fin de mai et on récolte en automne. Tantôt on coupe la tige, tantôt on cueille les feuilles une à une, et, dans ce cas, on les réunit à l’aide d’une ficelle qui traverse le pétiole et on les met à sécher sous des hangars bien aérés. La dessiccation est une œuvre délicate qui demande des soins assidus et dure six semaines ou deux mois.

Lorsqu’elle est terminée, les planteurs réunissent les feuilles en manoques de 25 ou 50 et en font livraison aux magasins établis par l’État dans les départemens où le tabac se cultive. Ces magasins en opèrent la recette et le classement et les expédient dans les manufactures nationales, pour y subir les préparations nécessaires. On commence par les trier pour rejeter les feuilles moisies. Cette opération porte le nom d’époulardage. On opère alors le mélange des différentes sortes, qu’on désigne par le nom du département ou du pays étranger qui les a produites. On combine les tabacs des diverses provenances de façon que le mélange renferme toujours la même proportion de nicotine.

Il entre huit ou dix sortes de tabacs dans le scaferlati ordinaire, qui représente plus de la moitié de tout ce qui se consomme en France. C’est, comme on le voit, un produit très complexe. En mélangeant, en proportions variables, les feuilles des différentes provenances, on parvient à maintenir sa teneur en nicotine toujours au même degré, c’est-à-dire à 2,3 pour 100 du poids du tabac sec. On tient, en France, à ne pas dépasser ce chiffre. Les Italiens, au contraire, n’aiment que les tabacs très forts.

Après le mélange, on procède à la mouillade, qui consiste à humecter le tabac avec une solution de sel marin titrée à 18 pour 100. Cette opération a pour but de rendre aux feuilles l’eau qu’elles ont perdue par la dessiccation, et sans laquelle il serait impossible de les travailler.