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témoin que notre exposition universelle de 1889, et ce groupe de l’Économie sociale, ou, comme on disait si justement, de « la Paix sociale, » dont les salles silencieuses et trop peu visitées s’ouvraient, sur l’Esplanade des Invalides, à quelques pas du palais de la guerre[1]. De larges tableaux graphiques aux courbes bizarres, de longues colonnes ou de hautes pyramides de chiffres, des diagrammes de toutes formes et de toutes couleurs des plans et des modèles de maisons ouvrières, des statistiques, des rapports, des notices de toute sorte et de tous pays montraient, à des curieux trop rares, tout ce qu’ont déjà tenté la liberté et l’initiative privée, les individus et les sociétés, pour relever la situation des ouvriers et pacifier les rapports du travail et du capital. C’était là, dans son austère et froide nudité, un spectacle plein de promesses pour l’avenir. De toutes les sections de cette fastueuse et bruyante exhibition, c’était peut-être la plus suggestive ; par son inspiration, c’était, à tout le moins, la plus chrétienne. Le saint-père en eût pu recommander la visite à ses prêtres et à ses moines. Il y manquait une chose, il est vrai, qui en eût fait sans conteste la plus admirable des expositions du monde, il y manquait les œuvres de la charité chrétienne, — une exposition que je voudrais bien voir réunir, quelque part, un jour, si ce n’est dans notre profane Paris, à Rome du moins, dans quelque couvent solitaire de l’Aventin, ou encore chez le pape, sous les loges ou dans les jardins du Vatican, non pour décerner à de mondaines vanités des médailles d’or ou d’argent, mais pour bien faire voir, à ce monde oublieux, ce que doivent au Christ et à son Église les souffrances humaines. Malgré cette lacune, le spectacle de l’Esplanade était digne d’attention ; le pape Léon XIII eût assurément eu joie à parcourir les seize sections de notre groupe d’Économie sociale : rémunération du travail et participation aux bénéfices, — associations coopératives de production, — syndicats professionnels, — apprentissage et sociétés de patronage, — sociétés de secours mutuels, — caisses de retraite, — caisses d’épargne, — assurances contre les accidens et assurances sur la vie, — associations coopératives de consommation, — associations coopératives de crédit, — habitations ouvrières, — cercles ouvriers et sociétés populaires, — hygiène sociale et sociétés de tempérance, — protection

  1. Le jury du groupe de l’Économie sociale s’était préoccupé d’assurer à cette exposition un caractère permanent, par la formation d’un « Musée-Bibliothèque » d’économie sociale. En attendant que ce souhait, qui ne semblait avoir rien de présomptueux, puisse être réalisé, les objet» et les documens rassemblés en 1889 sont, paraît-il, relégués dans les écuries du quai d’Orsay.