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l’exception du petit duché de Plaisance, qu’on voulait bien transférer à l’infant, on tiendrait pour nulles et non avenues toutes les autres cessions de territoire bien autrement larges faites au roi de Sardaigne par le traité de Worms et qui n’allaient à rien moins, on peut se le rappeler, qu’à détacher des possessions autrichiennes près d’un tiers du Milanais. L’impératrice, en effet, n’avait jamais cessé de soutenir qu’un tel sacrifice ne pouvait être consenti par elle qu’en échange de la promesse qui lui était faite de la délivrer de toute rivalité de la maison de Bourbon en Italie et de lui assurer ainsi un dédommagement proportionné à ses pertes. Du moment où cet avantage ne peut plus lui être assuré et où elle se voit elle-même forcée d’y renoncer, elle se prépare à prétendre (et elle a toujours fait d’avance cette réserve) que la donation est nulle, comme tout contrat dont la condition n’est pas remplie et dont la clause résolutoire est énumérée. Elle entend rentrer dans la pleine propriété de son bien, ou plutôt se maintenir en possession, car la plus grande partie du territoire cédé étant occupée militairement par ses armées, une fois la paix faite avec la France, ce ne seraient ni les vaisseaux de l’Angleterre, ni les troupes bien inférieures du roi de Sardaigne qui l’en feraient sortir[1].

Et voici maintenant la seconde disposition qui, celle-là reléguée dans un appendice occulte, tout à la fin du projet, semble véritablement le post-scriptum mis au bas de la lettre par la main même de l’impératrice :

« Quoique Sa Majesté l’impératrice, reine de Hongrie et de Bohême, soit très éloignée d’enfreindre au traité de paix de Dresde, en cas que Sa Majesté le roi de Prusse s’y tienne exactement, néanmoins il a été convenu que de même que dans les articles préliminaires signés aujourd’hui, il est fait abstraction des intérêts dudit prince et de la garantie de la Silésie, il en sera encore fait abstraction dans le traité de paix définitif à conclure[2]. »

De la combinaison de ces deux textes on voit ressortir avec évidence la véritable intention de l’impératrice : ce qu’elle cède d’un côté, elle veut le retrouver ailleurs et même avec avantage. Elle entend reprendre aujourd’hui ce qu’elle a abandonné en Italie et se réserve la liberté plus tard, quand l’occasion sera favorable, de

  1. La prétention de Marie-Thérèse à faire dépendre la validité du traité de Worms de l’exécution de la promesse qui lui était faite de la délivrer de la présence de la maison de Bourbon en Italie, qui ne paraissait pas justifiée aux historiens précédens, l’est aujourd’hui par la publication de deux articles secrets de ce traité, qui n’a été faite que dans ces derniers temps par un recueil tiré des archives de la maison de Savoie et mis au jour en 1836. (D’Arneth, t. II, p. 525.)
  2. Vitzthum, Geheimnisse des Sächsischen Cabinets, t. I, p. 192, 193. D’Arneth, t. III.