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discussion d’une majorité, inquiète mais docile, les largesses qu’il réclamait : ce n’étaient pas moins que sept à huit millions de livres sterling, somme à peine suffisante, tant pour le paiement de ses propres troupes que pour la subvention annuelle fournie à l’Autriche et les frais de transport des auxiliaires russes dont l’arrivée était attendue.

On ne pouvait assurément annoncer l’ouverture d’un congrès pacifique dans un langage plus belliqueux et qui attestât moins d’espérance de le voir aboutir au résultat qu’on prétendait poursuivre. La singularité, c’est que ce découragement anticipé paraissait le fait de toutes les puissances qui se préparaient à prendre part à la réunion ; aucune ne semblait fonder sur le succès de négociations, tant de fois essayées en vain, même une ombre de confiance. « Je vous confesserai (écrivait Puisieulx à un officier général chargé d’un commandement important) à ce sujet, mais à vous seul, que je suis bien éloigné de concevoir de grandes espérances de cette démarche de la cour de Londres, où je n’aperçois aucune disposition sincère pour la paix, et je suis persuadé qu’avant que nous arrivions à conclure un traité d’accommodement, vous aurez le temps de servir avec gloire et succès à la tête des troupes qui vous sont confiées[1]. »

Les témoins les mieux informés et les plus perspicaces portaient le même jugement sur les dispositions de toutes les parties intéressées. — « Le congrès ne fera que de l’eau claire, disait Frédéric, les puissances maritimes veulent amuser la France, le stathouder veut pêcher en eau trouble. A Vienne, on ne fait que rire du congrès, et l’on ne cherche qu’à gagner le temps d’attendre le secours russe. » — Et à ceux qui le pressaient de se faire représenter lui-même à ce rendez-vous diplomatique pour y défendre ses intérêts : — « J’attendrai, disait-il, qu’on y traite sérieusement et qu’on ne cherche pas seulement à s’amuser l’un l’autre[2]. » Personne ainsi ne comptant rapporter rien de sérieux d’Aix-la-Chapelle, personne, non plus, ne semblait pressé de s’y rendre ; aussi tout l’hiver allait-il se passer en pourparlers préliminaires sur les conditions, le lieu, le temps et le cérémonial de la réunion.

La désignation d’Aix-la-Chapelle avait paru naturelle et était facilement acceptée parce qu’en sa qualité de territoire neutre cette cité impériale échappait à la juridiction et même à l’occupation momentanée des puissances belligérantes ; mais comment

  1. Puisieulx à Richelieu, 9 octobre 1747. (Correspondance de Gênes. — Ministère des affaires étrangères.)
  2. Frédéric à Chambrier et à Podewils, son ministre à Vienne. (Octobre 1747. — Pol. Corr., t. V, p. 502, 505, 513, 524, 531.)