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il y a quelques jours, par une communication simultanée à tous les parlemens intéressés, à Berlin, à Vienne et à Rome. C’est le chancelier d’Allemagne qui, devant le Reichstag, a eu le premier à donner, en quelque sorte, le ton, à interpréter les nouveaux traités, à en définir le caractère et la signification ; il l’a fait sans embarras, " sans rien exagérer, sans déguiser non plus la pensée qui a inspiré cette œuvre de diplomatie : la pensée de resserrer l’alliance politique par le rapprochement des intérêts, par une alliance commerciale de douze ans. Le chancelier a eu tout le succès qu’il pouvait désirer auprès de son parlement. C’est M. de Caprivi qui est décidément le triomphateur du jour ! L’empereur Guillaume II, en recevant dans la petite ville de Teltow, au milieu d’un banquet, la nouvelle du vote des traités, s’est hâté naturellement de prononcer un discours, où il s’est plu à exalter à la fois et le négociateur, à qui il a envoyé aussitôt le titre de comte, et les traités qu’il a appelés « un des événemens importans de l’histoire, ., une œuvre de salut… » C’est peut-être beaucoup dire. M. de Caprivi ne passe pas moins, dans le discours de l’empereur Guillaume, au rang de sauveur de l’Allemagne ! Et comme pour ajouter au triomphe du nouveau chancelier, l’ancien, le grand et rogue solitaire de Friedrichsruhe, en recevant une députation de Siegen, n’a pu se défendre d’épancher son humeur morose contre tout ce qui se fait à Berlin, contre la politique commerciale nouvelle, contre la bureaucratie. S’il n’est pas allé à Berlin combattre les traités, c’est que l’heure n’est pas venue de tout dire, nondum mendies, c’est qu’il n’aurait pas pu parler sans manquer à sa position et à son passé, — qui sait ? peut-être sans ébranler l’empire. C’est peut-être aussi beaucoup dire ! Ces traités restent dans tous les cas une œuvre habile, assez spécieusement combinée pour flatter l’orgueil allemand, pour ressembler à une réponse indirecte aux rapprochemens, aux alliances qui ont occupé l’Europe depuis six mois.

Ce serait une autre question de savoir si l’Autriche, l’Italie, et à plus forte raison les pays qu’on se flatte de rallier au système allemand, ont les mêmes motifs de triompher et trouveront autant d’avantages dans la ligue nouvelle. Sans doute, à Vienne comme à Rome, dans le monde officiel, le premier mouvement a été de saluer cette œuvre de diplomatie commerciale comme un événement heureux. C’est l’expérience qui décidera des effets pratiques, de l’influence du nouveau ZoUverein. Ces traités d’ailleurs ont fait leur apparition à Vienne dans un moment où l’empire austro-hongrois ne laisse pas d’être embarrassé dans ses affaires intérieures. En Hongrie, des élections se préparent, et le cabinet du comte Szapary, qui a succédé au long ministère de M. Tisza, va retrouver dans la lutte électorale l’opposition violente qu’il a déjà rencontrée dans le parlement. À Vienne même, la