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vergne fut héroïquement défendue par Ecdicius, fils d’Avitus, beau-frère de Sidoine-Apollinaire, le grand évêque de Clermont. Peut-être en eût-il triomphé ou les eût-il lassés, si l’empereur Nepos, pour sauver ce qui lui restait de la Gaule, ne leur eût cédé le territoire des Arvernes. Que devint le Berry sous leur domination ? Tout ce que l’on sait, c’est qu’il fut paisible et que le Visigoth Victorius, duc et gouverneur des sept cités de la première Aquitaine, persécuta les Bituriges pour être restés fidèles à la mémoire et à la grandeur de Rome.

La victoire de Tolbiac, où Clovis fut secondé par les évêques de la Gaule, qui voyaient en lui le soldat désigné par Dieu pour combattre les Ariens, plaça le Berry sous la domination des Francs.

À la mort de Clovis, la province fut-elle donnée à Clodomir et à Théodoric, deux de ses fils ? C’est un point difficile à affirmer et qui importe peu aujourd’hui. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’en 558 elle fut au pouvoir de Clotaire, roi de Soissons, qui gouvernait dans les Gaules toutes les possessions des Francs. À Clotaire succède son fils Gontran, qui, quoique d’humeur peu batailleuse, versa à flots le sang des Berruyers, — on ne disait pas encore Berrichons, — pour défendre son héritage contre ses frères et ses alliés les ducs de Toulouse, de Poitiers et de Bordeaux.

Le règne de ce roi, qu’on appela, — je ne sais pourquoi, — le règne du bon roi Gontran, ne fut qu’une série de guerres sanglantes et d’expéditions lointaines. Jamais l’esprit d’aventure ne s’était manifesté en Berry et ne s’y manifesta aussi complètement qu’alors, et l’on se demande à quelle source féconde il pouvait retremper ses forces et renouveler le sang de ceux qui s’épuisaient à le défendre. Heureusement pour le bon Gontran, qu’il s’était entouré de prêtres et de Gallo-Romains qui lui inculquèrent des idées d’ordre, idées fort rares chez un descendant de rois dont toute la logique consistait à se battre vaillamment et à frapper fort.

Bourges devint un comté comme l’étaient déjà plusieurs grandes villes de France. C’était une création de Clovis, et ceux qui portaient le titre de comte étaient à la fois chefs civils et militaires. Leur diplôme d’institution leur enjoignait de garder envers le chef souverain une foi entière et inviolable, « de faire vivre dans la paix et le bon ordre, sous leur autorité, les hommes habitant dans les limites de leur juridiction, soit Francs, soit Romains, soit de toute autre nation quelconque ; de se montrer les défenseurs spéciaux des veuves et des orphelins ; de réprimer sévèrement les crimes des larrons et des autres malfaiteurs, afin que le peuple, trouvant la vie bonne sous leur gouvernement, se réjouisse et se