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j’avais avec moi, — un élu du suffrage universel, conseiller municipal d’une commune voisine, — ne voulut jamais me suivre, prétendant que ce serait peine inutile de chercher le lieu où s’était commis le délit, car ce ne pouvait être que le fait de l’invisible casseur de bois. Je le traitai de poltron sans qu’il en montrât la moindre confusion, mais il me reprocha de ne croire à rien, ce en quoi il se trompait.

III. — CARACTÈRES, MŒURS, COUTUMES.

Par le Berrichon actuel, on pourrait croire qu’il serait aisé de reconstituer au moral comme au physique, de même que Guvier reconstituait une espèce perdue, le Biturige des Gaules, le Berruyer de la féodalité, le huguenot de Sancerre, le sujet du roi Louis XVI qui, en 1789, dans des cahiers renfermant le récit des souffrances du passé et de ses misères présentes, revendiquait une reconnaissance solennelle des droits de l’homme. On se tromperait beaucoup en le supposant.

Malgré la richesse du sol, l’élevage du mouton, l’industrie du tissage et la fabrication du fer qui enrichissaient les Bituriges au temps de la conquête romaine, les habitations du peuple étaient des plus misérables, couvertes de chaume et formées de planches et d’osiers tressés. Leurs mœurs étaient rudes, sans aucune douceur, et les banquets auxquels ils prenaient part dégénéraient en querelles sanglantes. Lorsqu’ils combattaient, ils découvraient par bravade leurs poitrines blanches et bien développées. Les brenns ou chefs portaient, ainsi qu’Aimé Millet a sculpté son gigantesque Vercingétorix, des casques et des bouchers décorés de quelque tête de monstre hideux ; ils avaient au cou des colliers, et des bracelets à leurs bras robustes ; presque toujours, de grandes moustaches blondes ombrageaient leurs lèvres. D’après A. Thierry, seuls, les gens du peuple avaient toute la barbe ; aujourd’hui, c’est le contraire, surtout dans les campagnes. Le pays était couvert alors de magnifiques forêts ; les menhirs qui s’y rencontrent affirment la croyance des Bituriges au druidisme. Il est une région curieuse dite des Mardelles ; elle se trouve non loin d’Issoudun ; ce sont des excavations faites dans la terre, en forme d’entonnoirs, et dont l’usage n’a jamais été expliqué clairement. Y célébrait-on un culte ? Ces mardelles ne se rencontrent que dans la brande, nom que l’on donne à des terres sans culture et où fleurissent la bruyère rose et l’ajonc. Les tumuli sont nombreux en Berry ; plusieurs ont