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propos, on tient à ne pas laisser ignorer que les deux armées qui se sont rencontrées pour la dernière fois à Custozza marcheront du même pas au combat dans les prochains conflits ! A tout prendre seulement, l’Autriche semblerait parfois être pour l’Italie une alliée qui garde son indépendance, qui fait ses réserves sur des points délicats, qui ne dit pas son dernier mot sur certaines questions ; l’Italie est pour l’Autriche une alliée qui a ses arrière-pensées, qui oublie par tactique, déguise ses défiances ou ses ambitions, — et de temps à autre, au moment où l’on y pense le moins, le secret de la comédie éclate. Entre Vienne et Rome, il y a une parole de trop, un nuage soudain et passager, un malentendu, — que les diplomates se chargent de dissiper jusqu’à la prochaine occasion.

Qu’est-il donc arrivé depuis peu de jours ? Peu de chose à la vérité, un incident assez simple, qui a suffi toutefois pour remettre un instant les esprits en campagne. Dans une séance des délégations à Vienne, un député, M. Zallinger, s’est fait l’interprète des sentimens, des doléances, des vœux des catholiques autrichiens au sujet de la situation précaire du pape ; il a demandé compte au gouvernement impérial de sa politique, en rappelant que la question de la papauté et de Rome n’était pas seulement une affaire italienne, que c’était une affaire internationale intéressant les catholiques du monde entier. Le comte Kalnoky se serait peut-être bien passé d’avoir à entrer dans des explications toujours délicates ; en bon diplomate, il s’est étudié à tout concilier. Il s’est hâté de déclarer que l’Autriche, alliée de l’Italie, n’avait pas à s’occuper d’une affaire où tous les sentimens italiens étaient engagés. Ministre d’un pays en grande partie catholique, d’un souverain catholique, il n’a pu se dispenser d’exprimer en même temps le vœu que la situation faite au chef de l’Église pût lui assurer l’indépendance qui lui est nécessaire, que la paix régnât entre le Vatican et le Quirinal. Ce vœu était certes bien modeste, il a même été probablement atténué dans les conversations diplomatiques de M. de Kalnoky ; mais ce qui était dit était dit, et voilà justement le point vif. M. de Kalnoky avait témoigné son intérêt pour le pape ! Il n’en a pas fallu davantage pour réveiller les susceptibilités italiennes, pour provoquer à Rome une certaine émotion, une petite agitation un peu factice contre l’Autriche, contre le ministère, contre les démonstrations cléricales, contre la loi des garanties. A l’interpellation et aux discours de Vienne ont répondu les interpellations et les discours de Monte-Citorio sur les alliances de l’Italie, sur la politique ecclésiastique du cabinet de Rome. M. Bovio, M. Cavallotti, M. Imbriani, ont parlé. M. Crispi lui-même s’est jeté dans la mêlée avec emportement, avec l’àpreté d’un homme qui regrette et envie le pouvoir, mêlant tout, confondant tout, fulminant contre ses successeurs et contre la loi des garanties. A dire vrai, M. di Rudini s’est tiré de cet assaut qu’il vient d’avoir à subir avec