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mesure, diversement appréciée, du désarmement général des villages birmans et karens : on leur enleva plus de 40,000 armes à feu ; c’était leur ôter le moyen d’attaquer les Anglais, mais en même temps de résister aux attaques des dacoits. Mais ce ne sont là, en somme, que des points secondaires, et nous avons hâte d’arriver à une autre partie de l’œuvre des Anglais : à celle qui consista à préparer la pacification par des mesures d’ordre politique.


IV

En abordant cette partie de nos études, il importe de bien préciser la valeur des mots et de définir ce que nous entendons par « mesures d’ordre politique » et par « pacification. » Il faut se garder de croire, — et dans la pratique d’aucun peuple on ne s’en est suffisamment gardé, — que ces divisions : « pacification » et « organisation, » « mesures d’ordre militaire » et « mesures d’ordre politique, » que nous adoptons pour plus de clarté dans l’exposition d’un sujet compliqué, correspondent dans le temps à des périodes absolument tranchées, et dans la conduite, à des méthodes absolument distinctes. Quand une fois est terminée la conquête proprement dite, et qu’il s’agit de pacifier le pays, on ne traverse pas une période où les militaires agissent avec une liberté entière, par leurs procédés propres et sous leur responsabilité, puis une seconde période où brusquement leur action s’arrête pour faire place à l’action des hommes politiques et des pouvoirs civils. Il n’y a pas davantage des méthodes de pacification absolument distinctes des méthodes d’organisation, pas plus qu’une période de pacification absolument distincte de la période d’organisation. La pacification prépare l’organisation et se lie à elle en lui transmettant ses méthodes bonnes ou mauvaises, en sorte qu’on ne peut trop dire où l’une commence et où l’autre finit et quelle mesure est mesure de pacification, quelle est mesure d’organisation.

Les Anglais, au moins en Birmanie, paraissent avoir entrevu ces vérités ; en tout cas, ils ont agi comme s’ils les voyaient : dès le premier jour, alors que l’armée chassait devant elle les bataillons dispersés des Birmans, ils avisaient aux moyens d’agir administrativement sur les populations, et, à aucun moment, ils n’ont séparé l’action des pouvoirs militaires de celle des pouvoirs civils. Ils ont eu soin, même durant la conquête, d’installer, dans les principaux centres, des fonctionnaires politiques, avec mission, tandis que l’armée y assurait l’ordre, d’y établir, eux, une première et rudimentaire organisation administrative. Et, d’autre part, même après la conquête achevée, ils ont demandé la coopération des troupes et réclame leur présence dans un dessein purement politique. « Il faut,