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reconnaissance et elle ne semblera pas, je l’espère, diminuer la valeur des travaux qui l’ont provoquée[1].


I

M. Aubertin regarde avec raison comme « fort vagues et fort lointaines, » les ressemblances que l’on peut, à la rigueur, découvrir entre la vieille comédie et celle du XVIIe siècle. Cependant il accorde que, si les soties et les moralités finirent complètement avec le moyen âge, la farce traversa la Renaissance pour se combiner, dans la première moitié du XVIIe siècle, avec la commedia dell’arte, et que son esprit, « perpétué à travers la série des imitations et des essais par où débuta pendant un siècle la comédie moderne, passant des formes gothiques aux formes savantes et les animant, tour à tour, de sa verve originale, » vint inspirer à la vraie comédie française, nationale et classique tout ensemble, » et « qu’on peut le reconnaître, dans les chefs-d’œuvre qui la représentent, à côté de l’influence antique et de l’élément étranger. » Cela est vrai, mais en partie seulement et avec de sérieuses réserves. Reprenant une idée déjà exprimée par Génin[2], M. Petit de Julleville, lui, est beaucoup plus affirmatif : « L’histoire de la comédie en France, dit-il, n’est pas, comme celle du drame sérieux, coupée par la Renaissance en deux moitiés distinctes. Entre le mystère et la tragédie, il n’y a véritablement rien de commun… Au contraire, l’histoire de la comédie, quoiqu’on puisse y distinguer des périodes et des tendances successives, ne présente pas une seule interruption bien tranchée de la tradition

  1. Je reprends ici, au seul point de vue du théâtre comique, une question déjà traitée de façon générale, pour tout le développement poétique du moyen âge, par M. F. Brunetière, dans ses Études critiques sur l’histoire de la littérature française, 1880 (l’Érudition contemporaine et la littérature française au moyen âge), et ses Nouvelles questions de critique, 1890 (la Poésie française au moyen âge). Je renvoie le lecteur à ces deux travaux, qui posent la question avec une singulière précision et qui me semblent la résoudre avec une égale justesse. Le second répondait, en l’appréciant à sa grande valeur, au livre de M. Gaston Paris, la Poésie au moyen âge, 1885, qui résumait, avec toute l’autorité nécessaire, la thèse la plus favorable à l’originalité, à l’importance historique, à l’intérêt moral et à la valeur littéraire du moyen âge. Il est désormais impossible d’aborder le même sujet sans suivre les deux auteurs sur le terrain qu’ils ont nettement circonscrit et il n’est que juste d’en prévenir le lecteur.
  2. « C’est de la farce, disait Génin, qu’est sortie la gloire réelle et durable du théâtre français, la comédie d’intrigue aussi bien que la comédie de caractère. Je doute un peu que le Cid et Cinna descendent du mystère de la Passion ; mais je suis bien sûr qu’il y a filiation directe entre la Farce de Patelin et le Légataire et Tartufe, et même le Misanthrope. » Introduction à la Farce de Patelin, 1854.