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sur le fond avec une constance aussi opiniâtre qu’en peut mettre le paysan à enfoncer son soc de fer dans le sol. Quant au commerce, son grand développement remonte à la découverte du Nouveau-Monde. En 1503, les Portugais apportèrent à Anvers les premières marchandises de l’Inde ; en 1506, les Zélandais y débarquèrent le premier sucre des îles Canaries. En 1559, plus de 2,500 vaisseaux se pressaient dans ce port où, en 1444, on rencontrait à peine quelques petits navires destinés aux transports sur les eaux intérieures. Amsterdam, Dordrecht, Rotterdam, Middelbourg, les villes situées sur le Zuyderzée, Hoorn, Enkhuysen, Medemblik, voyaient également, en quelques années, leurs ports devenir trop étroits. Les grains de la Baltique y affluaient amenés par des flottes entières. Les Pays-Bas étaient, dès ce moment, le grenier de l’Europe.


IV

Avant la constitution des grandes mannes permanentes, la course était à peu près le seul moyen employé pour étendre jusqu’en mer la zone des hostilités. Que la course dégénérât souvent en piraterie, qu’elle s’adressât aux navires neutres aussi bien qu’aux navires ennemis, personne, pour peu qu’on songe aux mœurs du XVe et du XVIe siècle, à coup sûr, ne s’en étonnera. Une ordonnance de Charles-Quint, promulguée en 1549, montre assez à quelles précautions le commerce maritime se trouvait astreint par suite du peu de sûreté qu’offrait alors la navigation. L’empereur prescrivait que « nul vaisseau, si petit qu’il pût être, » n’entreprît de faire le commerce avec la France, avec l’Angleterre, avec les royaumes du Nord, sans avoir embarqué un équipage de huit hommes au moins en état de porter les armes et six pièces de canon. Si le vaisseau devait pousser ses opérations jusqu’en Espagne, huit hommes n’étaient plus considérés comme un équipage suffisant ; il en fallait seize et dix bouches à feu au lieu de six. Ces chiffres croissaient rapidement avec la grandeur du navire, et l’on voit tel vaisseau marchand quitter à cette époque le port avec un équipage de 44 hommes et un armement de 22 pièces.

On comprend quelles facilités ces prescriptions, inspirées par une légitime sollicitude, pouvaient à l’occasion offrir pour improviser à peu de frais des flottes de guerre[1]. L’approvisionnement

  1. Nous revenons dans une certaine mesure à ce système par l’armement prévu d’un certain nombre de paquebots. Cet armement serait une des grandes ressources de l’Angleterre, qui aurait, en temps de guerre, tant de flottes marchandes à convoyer.