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en est la citadelle. À Anvers, l’Escaut a près de 500 mètres de large et, dans quelques endroits, une profondeur qui dépasse 12 mètres. La Mer du Nord, de quelque côté qu’on la tâte, ne présentera plus de refuge comparable à celui-là. On pourra sans doute arriver à Rotterdam après avoir franchi les hauts-fonds de la Meuse, atteindre Amsterdam par la passe du Texel et par le Zuyderzée. Rien des flottes de guerre et bien des flottes marchandes ne tarderont pas à prendre ce double chemin ; elles l’auront, soyez-en certains, rarement parcouru, surtout dans les rudes saisons d’automne et d’hiver, sans quelque aventure. « Les îles Texel, Vlieland et Ter-Schelling, — ainsi s’exprimeraient, si vous les interrogiez, les pilotes hollandais, — forment une pointe saillante sur laquelle les naufrages sont nombreux. On ne doit pas les approcher, quand on les contourne, par moins de 23 mètres de fond. » L’île Texel a 12 milles de long ; Vlieland, 9 ; Ter-Schelling, 13 ; Ameland, 13 également ; Schiermonnikoog, 3. La plus large de ces îles, — l’île Texel, — n’a pas 5 milles en largeur.

Le Zuyderzée est rempli de hauts-fonds. Pouvait-on mieux attendre d’une mer qui a submergé les villages par centaines ? Le grand canal du Nord-Holland, creusé de l’année 1819 à l’année 1825, un canal plus récent qui coupe l’isthme en droite ligne, ont à peu près supprimé cette navigation dangereuse. Les navires qui veulent gagner le port d’Amsterdam ne sont plus obligés aujourd’hui de pénétrer dans le Zuyderzée par la passe du Texel ou par le Vlie-Stroom, de descendre ensuite au sud, en laissant : sur la gauche les villes frisonnes, de Harlingen, de Makkum et de Workum ; sur la droite les villes hollandaises de Medemblik, d’Enkhuysen, de Hoorn, de Monnikendam, pour arriver à la barre, si souvent mentionnée dans les chroniques navales, du Pampus. Le Pampus est un banc qui ferme en quelque sorte, à marée basse, l’entrée de l’Y[1], bras de mer de 26 kilomètres de longueur, par lequel on arrive au port d’Amsterdam.

Ces détails géographiques étaient, je ne crains pas de le répéter, nécessaires. Pour l’intelligence des événemens, ils ne suffiraient pas encore. Déployez la première carte marine venue », voyez comme tous les abords de ces côtes sont maculés d’écueils qui s’enchevêtrent, de hauts-fonds au milieu desquels il semble vraiment impossible de tracer sa route, rappelez-vous la violence capricieuse des courans, les surprises foudroyantes de la brise, le ciel voilé, les terres basses presque constamment enveloppées de brume. Naviguez en pensée pendant les longues

  1. Prononcez l’Aï.