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que six au point où elle va crever, la sonde rapporte généralement de 30 à 40 mètres d’eau, puis tout à coup, brusquement, elle n’en accuse plus que 9, que 6, que 3 : elle a rencontré le dos d’un sillon. Les courans de marée qui maintiennent entre la côte de Flandre et la côte d’Angleterre un canal navigable, opèrent, sur le sol sablonneux qu’ils fouillent et qu’ils retournent, un travail analogue à celui de la charrue. Leur passage alternatif laisse en maint endroit des stries plus ou moins profondes ; leurs remous y donnent naissance à des dépôts perfides, à des bancs généralement étroits qui se prolongent presque toujours dans une direction parallèle au tracé du rivage, parallèle au cours régulier des marées. « Tous ces bancs, nous enseignent nos instructions nautiques, sont accores du côté de la terre et s’abaissent en pente douce du côté du large. » Pour les éviter, il suffit de ne jamais approcher des côtes par des fonds au-dessous de 36 mètres à marée basse. On se trouve alors dans le canal connu sous le nom de Canal des grands fonds. Ce canal commence à l’entrée du Pas-de-Calais et se termine un peu au nord du 53e degré de latitude.

Si l’on se rapproche, au contraire, de la terre sans tenir compte de la limite que nous venons d’indiquer, on ne cessera plus un instant de marcher d’embûche en embûche. De Calais à l’embouchure de l’Ems on verra se succéder : sur la rive flamande, le Riden de Calais, les bancs de Dunkerque partagés en deux groupes et, plus à l’est encore, la longue et fameuse série des bancs de Flandre, si souvent cités dans l’histoire des grands combats du XVIIe siècle ; sur la rive anglaise, les bancs de Goodwin et de l’embouchure de la Tamise. Des côtes basses, uniformes, à peine visibles à 10 milles de distance, un ciel souvent couvert, des brouillards intenses, tout se réunit pour rendre la navigation de ces parages la plus délicate peut-être qui soit au monde. La sonde est le seul guide sur lequel on puisse compter ; aussi faut-il l’avoir constamment à la main. Les sondeurs flamands n’ont pas leurs pareils ; ils palpent en quelque sorte le fond sous leurs doigts intelligens et agiles.

Les ports sur la côte de Flandre sont nombreux ; seulement, ils ne sont, pour la plupart, accessibles qu’aux faibles tirans d’eau ; ils ne le seraient même pas aux simples barques sans le secours des marées. Calais, Gravelines, Dunkerque, Nieuport, Ostende, ne sont pas des abris sur lesquels on ait droit de compter à toute heure de nuit et de jour. Il nous faudra pousser jusqu’à l’embouchure de l’Escaut pour rencontrer enfin un port que des vaisseaux de ligne puissent aborder franchement et sans crainte. Flessingue est la clé de l’Escaut ; Anvers, située à 50 milles dans l’intérieur des terres,