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quarts de coulevrines, en d’autres termes, des pièces tirant des boulets de quinze, de douze, de dix, de huit et de cinq livres. Le poids de la charge de poudre est, à peu de chose près, la moitié du poids du boulet.

Aux deux extrémités du navire on continuera d’installer à poste fixe les énormes pièces empruntées au vieil armement des galères, — des pièces du calibre de 36 et de 48 livres de balles. Les projectiles ont longtemps été des globes de plomb et des globes de pierre. On trouve encore en 1533, dans les comptes de la ville d’Enkhuysen, mention faite « de 552 pieds de pierre bleue de Namur, destinés à confectionner des boulets de 5, de 6, de 7, de 8, de 9 pouces de circonférence. » A partir de 1533, l’emploi des boulets de fonte de fer devient général.

Les premières bouches à feu furent faites de fer battu. Plus tard, on essaya la fonte, — en premier lieu la fonte verte ou métal de cloche, en second lieu la fonte de fer. La culasse fut, dans le principe, mobile. Nous finissons, après de longues résistances que les Anglais ont été les derniers à vaincre, par où on a commencé. On introduisait le boulet dans l’âme, la poudre dans une boîte détachée ; cette boîte portait le nom de chambre. Des bandes et des liens de métal reliaient ensuite les deux parties l’une à l’autre. Pour accélérer le tir, on en vint bientôt à multiplier les chambres. Chaque pièce fut munie de deux, de trois, quelquefois même de douze culasses mobiles chargées à l’avance. On n’avait plus que la peine de changer la chambre après chaque coup tiré. Le savant archiviste du royaume des Pays-Bas, Jean-Carolus de Jonge, mort à La Haye le 2 juillet 1853, à l’âge de soixante ans, a retrouvé dans les comptes de la ville de Leyde, comptes remontant à l’année 1477, ce curieux paragraphe : « Un petit canon, avec 12 chambres, pour mettre dans la hune. »

Vers le milieu du XVe siècle, une modification importante se produit. L’artillerie est alors la plupart du temps fondue d’une seule pièce. Cependant les pièces à chambre, — les Kamenstukken, — continuent de trouver encore place à bord des vaisseaux des Pays-Bas. Les Espagnols les désignent sous le nom de Pieças de camera ; les Portugais les appellent Pieças de braga[1].

Si les pièces à chambre n’eussent trop souvent péché par l’ajustage[2], on ne les aurait pas sans regret remplacées par les

  1. Geschiedenis van het Nederlandsche Zeewezen door M. J. C de Jonge, archivarius van het Hijk. — La Haye et Amsterdam, chez les frères Van Cleef, 1833.
  2. C’est l’ajustage, le crachement des pièces, qui a suspendu si longtemps dans notre marine l’adoption d’une réforme à laquelle en l’année 1870, lorsque j’avais l’honneur de commander l’escadre de la Méditerranée, d’excellens esprits ne se résignaient pas encore.