Page:Revue des Deux Mondes - 1891 - tome 108.djvu/48

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

engagées à maintenir l’autorité du khédive « dans les conditions consacrées par les firmans, à parer, par leurs communs efforts, à toutes les causes qui viendraient à menacer le régime établi en Égypte, » c’est-à-dire à user de leur influence et, au besoin, de moyens coercitifs suffisans, pour réprimer toute tentative dirigée contre la souveraineté du vice-roi. Il n’en fut rien cependant, et cette entente si solennellement annoncée eut les plus regrettables conséquences. L’Angleterre se ravisa et, déclinant ses engagemens, elle suggéra et fit prévaloir d’autres combinaisons. A la vérité, notre ambassadeur à Londres avait écrit le 6 janvier : « Lord Granville m’a dit qu’il était bien entendu que les instructions communes n’entraîneraient aucun engagement d’action effective. » Mais ce n’était pas ainsi que s’était exprimé l’ambassadeur britannique en notifiant l’assentiment de son cabinet à la déclaration dont le projet lui avait été soumis : « Je suis autorisé, par lord Granville, avait-il dit dans cette communication, à informer Votre Excellence que le gouvernement de Sa Majesté adhère au projet du déclaration contenu dans votre note du 30 décembre dernier, avec cette réserve qu’il ne doit pas être considéré comme s’engageant par là à quelque mode particulier d’action, si une action devait être trouvée nécessaire. » Aussi Gambetta, s’appuyant sur les termes de ce document, l’unique pièce, avec le projet de déclaration, qui ait été échangée entre les deux cabinets en cette circonstance, put-il répondre le lendemain à M. Challemel-Lacour : « J’ai à peine besoin de vous faire remarquer que les termes dont se sert lord Lyons n’impliquent pas, de la part de lord Granville, l’intention d’écarter toute hypothèse d’action commune ultérieure. Il refuse seulement de se considérer comme engagé, par la déclaration identique et simultanée, sur le mode d’action, au cas où il deviendrait utile et nécessaire d’agir… Lord Granville me semble admettre, en principe, la possibilité d’une action commune dont le mode sera à discuter au moment voulu. » Et notre ambassadeur répliqua, le 9 : « J’ai lu, avec un vif intérêt, votre dépêche du 7 et les différens documens qui s’y trouvaient annexés, notamment la réponse de lord Lyons à votre projet de déclaration. Je vous suis d’autant plus obligé de cette communication que les termes dans lesquels l’assentiment du cabinet de Londres vous a été notifié modifient, d’une manière dont nous devons nous féliciter, la portée de la réserve que j’avais cru recueillir de la bouche de lord Granville… » L’interprétation du ministre français, en effet, n’était pas contestable. La déclaration faite au khédive, à laquelle il fut donné suite sans soulever à Londres d’autres observations, était formelle ; elle ne se prêtait à aucune ambiguïté, à aucune équivoque ; elle lui promettait tout l’appui nécessaire au maintien de l’intégralité