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bataille de Tarapaca. De la ville, il ne reste plus rien ; l’incendie et le bombardement l’ont rasée au niveau du sol. On a déjà recueilli plus de 2,000 cadavres, mais qui peut dire ce qu’il en reste sous les décombres ? On se hâte d’enfouir les morts dont l’odeur empoisonne l’atmosphère. »

La chute d’Iquique et de Tarapaca entraînait celles d’Arica et de Tacna, plus au nord. Ces deux villes capitulaient sans résistance le 7 avril, et les débris des troupes de Balmaceda, serrés de près par les congressistes, en étaient réduits à chercher un refuge par-delà la frontière de la Bolivie. Les provinces du nord étaient perdues pour Balmaceda, et Iquique devenait le quartier-général de la junte.

Elle avait une capitale, une armée, une flotte, un territoire ; elle estima l’heure venue de réclamer sa reconnaissance en tant que belligérante, et, tenant pour acquises les sympathies des États-Unis, elle délégua à Washington don Pedro Montt. Il échoua dans sa mission, non que les chefs du parti congressiste eussent trop présumé des dispositions favorables de la grande république, mais ils n’avaient pas tenu compte des précédens créés par M. Seward pendant la guerre de sécession non plus qu’à l’occasion des affaires du Mexique. Lorsque la confédération du sud avait, en novembre 1861, délégué en Europe MM. Mason et Slidell pour se faire reconnaître comme belligérante, M. Seward n’avait pas hésité à donner l’ordre à MM. Adams et Dayton, ministres des États-Unis à Londres et à Paris, de notifier aux cabinets anglais et français que les États-Unis interpréteraient comme un acte d’hostilité le fait de recevoir officiellement les envoyés du sud et qu’ils rappelleraient immédiatement leurs représentans. Vis-à-vis de l’empereur Maximilien, l’attitude du cabinet de Washington avait été conforme à ce précédent ; non-seulement le secrétaire d’État s’était péremptoirement refusé à recevoir tout envoyé de Maximilien, il avait encore retourné, sans réponse, une lettre autographe de l’empereur exprimant au gouvernement ses regrets de la mort du président Lincoln. Étant données les révolutions fréquentes dont l’Amérique espagnole est trop souvent le théâtre, cette circonspection des États-Unis s’explique, et l’on ne pouvait les blâmer de régler leur conduite d’après des précédens et des principes dont ils s’étaient imposé l’observance en d’autres temps.

Tout en refusant de reconnaître officiellement au parti congressiste la qualité de belligérant, le cabinet de Washington ne se désintéressait nullement des affaires du Chili où, depuis de longues années, il luttait contre l’influence de l’Angleterre. L’occasion lui paraissait favorable pour reprendre l’ascendant, réconcilier, si possible, les deux partis ennemis, et réaliser l’un des points du