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zones distinctes, trois régions naturelles : le nord, le centre et le sud. Le nord est riche en minerais, c’est la terre du cuivre ; dans le désert d’Atacama, aux eaux rares, à la végétation plus rare encore, et où il pleut à peine une fois en cinq années, on rencontre partout, outre le cuivre et l’argent, le fer, le plomb, le salpêtre, le borax, le nickel, le sel gemme, les pierres précieuses. Copiapo a des gisemens de turquoises et les collines de Talca recèlent des améthystes. Dans sa partie médiane, le Chili, resserré entre l’Océan et la Cordillère des Andes, se creuse en une vaste dépression, en une vallée de 1,100 kilomètres de longueur sur 100 de largeur, sillonnée de cours d’eau, arrosée par des pluies fréquentes. Cette vallée d’alluvions, largement évasée, adossée aux Andes, et que sa chaîne côtière abrite des vents du large, est d’une merveilleuse fécondité. Elle constitue la région agricole, au sud de laquelle, par-delà la rivière Itata, s’ouvre la région poissonneuse et boisée, semée d’îles et de lacs, possédant des ports vastes et sûrs, région encore peu connue, mais dont de récentes explorations ont révélé les grands gisemens de houille et les précieuses essences forestières.

Parvenu au pouvoir, qu’il ambitionnait depuis quinze ans, qu’il sut conquérir par sa patience et qu’il exerça d’abord avec prudence, Balmaceda vit encore grandir son prestige et s’accroître sa popularité. Il visait plus haut ; l’opinion publique le désignait comme le successeur de Santa-Maria, et ce dernier, dont les fonctions présidentielles touchaient à leur fin, encourageait les espérances de son ministre favori et lui promettait l’appui de ses partisans. La campagne électorale s’ouvrit en 1886, et le parti libéral fit choix de Balmaceda pour son candidat. Sa sagesse et sa modération lui avaient rallié le parti national, que la crainte seule du radicalisme séparait des libéraux, et les conservateurs, réduits à leurs propres forces, ne pouvaient lui opposer aucun rival avec quelque chance de succès. Le 18 septembre 1886, Balmaceda était élu, à une grande majorité, président de la république. Aux termes de la constitution, il n’était pas rééligible, et ses pouvoirs expiraient le 19 septembre 1891, le jour même où il se suicidait.

La fortune, qui l’avait porté si haut, ne l’abandonna pas ; elle lui fut fidèle jusqu’au moment où lui-même lui devint infidèle, et ses trois premières années de présidence furent parmi les plus prospères que le Chili ait connues. Du programme politique de son parti, Balmaceda ne conserva que les mesures pratiques, les réformes mûrement étudiées et bien accueillies par l’opinion publique, en première ligne celles qui avaient trait à la diffusion de l’enseignement ; il organisa un excellent système d’écoles normales. Dans un