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charges du gouvernement du khédive ; ils proposaient donc de procéder à une enquête contradictoire, dont les résultats, suivant eux, mettraient fin à tous les dissentimens. Cette appréciation, opposée à celle de lord Granville, fut plus ou moins partagée par les représentans des autres puissances, à l’exception de celui d’Italie qui se réserva ; et la conférence se trouva bientôt divisée entre ces deux opinions qu’on ne parvint pas à concilier. Les protocoles relatent divers incidens qu’il n’est pas superflu de rappeler. L’ambassadeur d’Allemagne demanda de résoudre la question sanitaire, les immunités accordées aux provenances de l’Inde, depuis que les troupes anglaises occupaient l’Egypte, inquiétant le continent avec raison ; l’ambassadeur de France émit l’avis d’autoriser, en tout état de choses, le paiement des indemnités dues aux incendiés d’Alexandrie, dont un grand nombre avait tout perdu. Après celui de Russie, le plénipotentiaire de la Turquie réclama, pour son gouvernement, une place dans la commission de la dette, « Mais êtes-vous bien certain, lui répondit lord Granville, que parmi les créanciers de l’Egypte, dont la commission est chargée de sauvegarder les intérêts, il se trouve des sujets du sultan ? — La Porte, répliqua Musurus-Pacha, revendique cet avantage à titre de puissance suzeraine. » Ces propositions diverses n’ayant pas été comprises au programme de la conférence, le principal secrétaire d’État invoqua la question préalable. Le cabinet anglais voulait obtenir une sorte de blanc-seing : il ne prétendait pas prendre, sans l’assentiment des gouvernemens intéressés, les mesures dont il sollicitait l’adoption, mais il entendait rester seul chargé de les exécuter, afin de se soustraire à la surveillance des autres puissances, dans les soins qu’en toute chose il donnait à l’Egypte ; il ne pouvait donc acquiescer à l’ouverture d’une nouvelle enquête, ni reconnaître à la conférence le droit de réglementer la situation sanitaire ou l’affaire des indemnités, questions de pure administration intérieure qu’il se proposait de résoudre, comme toutes celles de même ordre, à l’exclusion de tout concours étranger. Et la conférence de Londres se sépara sans avoir pris aucune résolution, partageant le sort que l’Angleterre avait fait à celle de Constantinople. Nous ne serions cependant ni justes ni sincères, si nous omettions de dire que tous ces points litigieux ont été vidés depuis, sans préjudice pour les créanciers de l’Egypte et au grand avantage du bien matériel du pays. Continuant l’œuvre si bien commencée avec la France, l’Angleterre a conservé à la commission de la dette toutes les attributions dont elle avait été investie à l’origine ; elle a en outre exercé le contrôle d’une façon plus directe, sinon plus efficace, qu’à l’époque où il était confié, au même titre, à l’une et à l’autre puissance.