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l’artillerie, unité de doctrine. Les uns, afin de procéder au début de chaque combat par écrasement, se constituent d’abord en grandes batteries qui offrent le triple avantage de l’unité de direction, de la supériorité du nombre et du réglage simultané. Les autres n’attendent pas qu’ils aient éteint les feux de l’artillerie ennemie pour s’attaquer à l’infanterie, se fractionner et suivre pas à pas les hasards de la lutte contre les troupes de ligne. Il serait cependant indispensable de fixer la doctrine dans l’un ou l’autre sens et, selon nous, dans le premier qui semble généralement admis aujourd’hui par les différentes armées européennes.

Le génie mérite une mention toute particulière. Ce corps, dont les officiers sont en si grand nombre des savans distingués, dont les soldats ne le cèdent à aucun autre pour la tenue, la discipline et le courage, est l’arme modeste par excellence. Les applaudissemens qui saluent les marches allègres de l’infanterie, les défilés brillans de l’artillerie, les charges impétueuses de la cavalerie, lui sont parcimonieusement marchandés, pour ne pas dire inconnus. Le génie a cependant la conscience de son utilité tous les jours croissante avec les progrès de la guerre moderne, et cette conscience suffit à sa vertu. Ç’a été une joie pour tous ceux qui ont le souci de la justice distributive que la large part qui a été faite aux services du génie par le général Saussier, dans son ordre général de Vitry-le-François : « Le génie s’est affirmé comme quatrième arme sur le champ de bataille. » Aucun hommage, venu de plus haut, n’a été plus mérité. L’organisation défensive des positions a été entendue avec une sagacité qui ne s’est presque jamais trouvée en défaut ; on pourrait observer tout au plus que quelques-uns de ces travaux avaient reçu encore trop de relief, qu’ils étaient encore trop visibles et qu’ils offraient ainsi à l’artillerie un but encore trop commode : pour que les fortifications passagères du génie donnent la protection efficace qu’on attend d’elles, c’est sur la crête, en arrière, et non en avant des ondulations qu’il faut les établir. Il conviendrait, d’ailleurs, de ne pas multiplier ces fortifications aux avant-postes afin de n’y pas concentrer, par une manœuvre presque inévitable, l’effort des troupes qui ne veulent pas abandonner leurs positions et attirent ainsi toutes les forces sur une ligne très étendue qui absorbe rapidement les réserves et fait échapper le combat à toute direction. On ne louera jamais assez, en revanche, la célérité avec laquelle, en quelques heures, les soldats du génie achevaient leurs travaux de campagne. L’organisation des moyens de communication n’a pas été moins remarquable : sur terre, sur l’eau et dans l’air, le génie n’a point, sans doute, révélé à ceux qui connaissent de longue date ce corps d’élite des