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commandement a demandé aux différens services et ce qu’il en a obtenu pour l’exécution tactique.

D’abord, la matière première, la troupe : le soldat est admirable. Fantassin ou cavalier, artilleur ou soldat du génie, chasseur à pied ou pontonnier, l’homme n’a été nulle part inférieur à la rude tâche qui lui était assignée. Assurément, selon les qualités et les défauts du commandant, les différentes armes ont obtenu un succès inégal, et, dans les différentes armes, les différentes unités. Si la matière première est partout également bonne, forte, résistante et solide, elle gagne évidemment, et non pas seulement en apparence, mais en réalité, selon que le commandement s’exerce avec plus d’autorité, de méthode et de logique. La division d’infanterie de Nancy, par exemple, n’est point composée d’élémens originellement supérieurs à ceux de telle autre division ou de telle autre brigade. Mais elle a un chef jeune, plein d’entrain, de résolution et de belle humeur ; elle sent sur elle la surveillance constante du chef éminent du 6e corps ; elle sait qu’elle occupe à la frontière un poste d’honneur, et, sous toutes ces actions combinées, exercée et stimulée sans cesse, elle a développé au plus haut degré ses qualités natives. Entre toutes, on distinguait partout la division de Nancy. La constatation importante, dans l’espèce, n’est point cependant celle de l’existence de ces corps d’élite : c’est celle que l’ensemble même, est excellent.

Ah ! les braves, les admirables soldats que les nôtres ! Et quel démenti ils ont infligé aux docteurs qui prophétisaient que le service de cinq ans, et plus tard celui de trois ans, ne donneraient jamais que des troupeaux d’hommes sans résistance contre la fatigue, maladroits au maniement des armes, incapables de discipline ! Avez-vous suivi sur la carte la longueur des routes que les régimens de quatre corps d’armée ont faites pour se rendre sur le terrain des manœuvres et sur les divers champs de bataille où les appelait le savant et touffu programme du général de Miribel ? Jamais, en temps de guerre, on ne demanderait en si peu de jours pareil effort aux soldats des différentes armes. Et, certes, je ne dirai point que les troupes des armées de l’Est et de l’Ouest ont accompli cet immense travail en se jouant ; mais tous, quels qu’ils fussent, soldats de deux ans et réservistes, — ceux-ci redevenus tout de suite l’élite de leurs compagnies, — ils l’ont accompli sans plainte et sans murmure, sans une heure de retard sur le champ de combat ou au cantonnement, sans une minute de désordre ou de simple laisser-aller. Il fallait voir nos escadrons de cavalerie, — quand on réussissait à les voir, — charger avec une impétuosité d’autant plus ardente qu’elle avait été plus longtemps