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aussitôt le désir d’entrer en communications directes avec la Porte ; sans tarder, il en prit l’initiative, dans la conviction qu’il lui serait aisé de s’entendre avec les nouveaux conseillers du sultan et de combiner avec eux un accord pacifique et satisfaisant. Cette démarche mit fin à toutes les hésitations. On y vit à Saint-Pétersbourg et surtout à Londres, même à Vienne et à Berlin, l’action de la France agissant seule, et remportant subrepticement, à Constantinople comme à Alexandrie, un succès blessant pour la dignité des autres cabinets, et on signa, sans nous en avertir, le traité du 15 juillet, cet acte dont lord Palmerston avait communiqué la première rédaction à M. Guizot dans leur conférence du 4 mars. Hâtons-nous de le dire, l’ambassadeur ne s’était jamais dissimulé que là était le péril, et il en avait précédemment averti son gouvernement dans plus d’une occasion. Il se persuadait cependant qu’une fois leur accord bien établi, les quatre puissances, avant de passer à la signature, nous en feraient part « pour avoir notre adhésion ou notre refus. » Ce n’est pas ainsi qu’on procéda. On s’engagea mutuellement en s’entourant du plus profond mystère ; on ne fit à notre représentant ni ouverture ni confidence. Ce fut seulement le 17, le surlendemain du fait accompli, que lord Palmerston le mit au courant de toute chose. Il s’acquitta de ce soin en lui remettant un mémorandum qu’il avait préparé, lui dit-il, « pour être sûr d’exprimer exactement et complètement sa pensée. » Dans ce document, le ministre de la reine s’appliquait, d’une part, à justifier les résolutions des puissances, invoquant l’impérieuse nécessité de mettre fin aux troubles dont le Levant était le théâtre, et, d’autre part, à démontrer qu’elles ne leur avaient été nullement inspirées par un sentiment hostile à la France, avec laquelle elles désiraient, au contraire, conserver des relations de sincère amitié, et dont elles demandaient instamment l’appui moral, ne pouvant espérer sa coopération matérielle, pour déterminer le pacha à donner son adhésion, disait-on, aux arrangemens qui allaient lui être proposés par le sultan. Ce langage ne pouvait atténuer la gravité de l’offense. Le gouvernement de juillet la ressentit non moins vivement que le pays tout entier. Il prit et il observa une attitude calme et digne, bien résolu toutefois à régler sa conduite au gré de ses intérêts, se préparant activement aux redoutables complications que devait engendrer, dans sa conviction, la résistance que Méhémet-Ali opposerait à ses agresseurs.


III

S’il nous eût été difficile, dans une étude de la question d’Egypte, de ne pas rappeler, avec quoique développement, un différend