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LA
MADONE DE BUSOWISKA

MŒURS HOUTSOULES.


I.

Nasta, la messagère de la poste, ne cessait de pleurer son petit Wasylek. Pour la consoler, le pope, l’ayant un jour rencontrée sur la grand’route, comme elle faisait son service entre le village de Spas et celui de Smolnica, s’avisa de lui dire : « A quoi bon pleurer, Nasta, ton fils est certainement, à présent, un chérubin au ciel ! »

Un chérubin ! jamais de sa vie Nasta n’avait entendu parler d’un être semblable, et cette parole, loin de la calmer, l’avait au contraire étrangement troublée. Il y avait déjà un an que son petit Wasylek était mort, un an que, par une tourmente de neige, le vieux Daniel avait porté au cimetière l’étroit cercueil recouvert de papier à fleurs, soigneusement abrité sous sa touloupe de peau de mouton.

Durant toute la semaine, la pauvre femme rumina la phrase du pope, mais le dimanche suivant, étant entrée par hasard dans une église latine, placée sur sa route, elle tomba justement au moment du sermon. Le prédicateur parlait de la majesté divine, des milices célestes, et des légions d’anges et de chérubins qui