cinq jours, qu’il sait, à la seule inspection de l’empreinte, la date du passage, l’âge, l’état de santé,.. et que sais-je encore !
Quant à l’éléphant, cet automate maniaque dont la vie se passait à tourner en rond, une fois lancé, il part comme un boulet. Rien ne l’arrête ; il franchit marigots, rivières, marais, recherchant l’eau pour sa blessure qu’il arrose sans cesse avec sa trompe. L’art du chasseur consiste à le joindre, ce qui est difficile, mais surtout à le devancer, à s’embusquer sur sa route et à recommencer le guet-apens manqué. Et cette course entre chasseur rusé et animal blessé se prolonge parfois indéfiniment et finit rarement par la victoire du chasseur.
C’est très joli de tuer un éléphant, reste encore à s’en approprier les défenses et à les rapporter à la côte. Or un homme, avec une cognée, un cric et une scie, met plusieurs heures à briser l’os maxillaire, à déchausser les défenses, à soulever l’éléphant, qui est tombé sur le flanc. Papillon, lui, en quatre petites heures, m’explique-t-il en me montrant le soleil de huit heures et le soleil de midi, avec son matchet et son couteau, s’empare du râtelier complet de son éléphant, dents comprises, et revient portant sur son dos cet effroyable fardeau.
Ce que j’ai raconté de la chasse avec un fusil est exactement ce qui se passe pour la chasse à la zagaie. Il y a, en plus, le danger et l’extrême insuffisance de l’arme, qui en font une poursuite excessivement périlleuse, à peu près abandonnée aujourd’hui des noirs de la côte.
L’ivoire se vend assez cher aux factoreries, aux bâtimens qui font la traite et aux noirs, qui s’en font des bracelets. Il se fait de plus en plus rare. Les éléphans, longtemps pourchassés sur cette côte, qui méritait jadis le nom de côte d’ivoire, se sont retirés vers le Nord ; là, leur retraite est impénétrable. C’est, nous a-t-on dit, dans l’Ourodogou qu’ils sont le plus nombreux. Rendu à Liverpool, l’ivoire revient à sept francs le kilogramme, et se revend dans le commerce vingt-cinq francs le kilogramme, s’il est d’un diamètre à pouvoir fournir des billes de billard, et quinze francs seulement si son diamètre est inférieur. C’était l’ancien trafic des Dieppois, aujourd’hui Liverpool est le port de l’ivoire.
Voilà ce que m’a conté Papillon, avec forces gestes et des cris sauvages. En dehors de ce sujet, il est muet et comme abêti. Le soir, il repart en pirogue, remontant dans sa forêt avec cent têtes de tabac, dix litres de rhum, une douzaine de pipes en terre et deux cents cartouches. C’est sa provision d’hivernage, le prix de deux petites défenses et de quelques peaux de singes. Je voulais le prendre comme guide et interprète ; aucune offre n’a pu le