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de l’archiduc Jean, prétendait ne pas reconnaître l’armistice; sur quoi une suspension d’armes avait été provisoirement convenue, en attendant de nouveaux ordres. Après le déjeuner, l’empereur avait fait entrer un grand nombre d’officiers généraux et autres qui étaient venus faire leur cour. « Où est votre corps? dit-il très haut à Macdonald; pressez sa marche, partez de votre personne; je mets Vandamme sous vos ordres; prenez la direction de tout, marchez sur cette armée et écrasez-la! » Cependant, ajoute le maréchal, comme je prenais congé, il me dit tout bas à l’oreille : « Soyez prudent, tâchez de ne pas réengager les hostilités; nous avons besoin de repos pour nous refaire. »

Vandamme n’était pas content ; après qu’il eut remis le commandement à Macdonald, il se mit à déblatérer violemment contre les nouveaux maréchaux Oudinot et Marmont : « Il voulut bien convenir, dit ironiquement Macdonald, que pour moi c’était juste ; » puis il s’en prit à l’empereur lui-même qui, à l’entendre, lui avait promis, au début de la campagne, de le faire avant trois mois maréchal et duc: « C’est un lâche, disait-il, un faussaire, un menteur; et "sans moi, Vandamme, il garderait encore les cochons dans l’île de Corse! » Et cela devant une trentaine de généraux et d’officiers supérieurs; et c’étaient, pour la plupart, des Wurtembergeois, des étrangers ! On eut beaucoup de peine à le calmer et à le faire taire.

Il fallait cependant en finir avec ce corps autrichien qui barrait la route. Quoique l’archiduc Charles portât le titre de généralissime, l’archiduc Jean, son frère, refusait de reconnaître son autorité suprême et prétendait se soustraire à l’exécution de l’armistice général. Macdonald se montra ferme, alla jusqu’à la menace, mais ne fut pas obligé d’aller plus loin, car les Autrichiens intimidés se retirèrent en Croatie et lui-même rentra sans coup férir à Gratz. L’archiduc Jean en fut pour ses velléités d’indépendance ; il lui fallut, bon gré mal gré, reconnaître pour lui-même la validité de l’armistice. Enfin, après plusieurs mois de négociations pénibles, la paix définitive fut conclue à Presbourg.

Après l’échange des ratifications, l’empereur s’en revint à Paris, et le prince Eugène à Milan. Macdonald prit le commandement de l’armée d’Italie; au 15 août, il avait reçu le grand cordon de la Légion d’honneur, le titre de duc de Tarente, et une dotation de 60,000 francs. Les généraux Lamarque et Broussier étaient nommés grands-officiers de la Légion, et de nombreuses récompenses accordées à l’ancien corps du maréchal.


CAMILLE ROUSSET.