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eût été conduit à cette résolution de jouer le pouvoir dans un scrutin, il avait fallu qu’il sentît la nécessité d’en finir et qu’il ne vît pas une autre issue.

Tout semblait extraordinaire dans cette crise électorale de 1827, et la promptitude avec laquelle l’acte de la dissolution avait été conçu et les conditions dans lesquelles la lutte s’engageait entre les partis. Dans un camp se concentrait un gouvernement disposant du crédit que lui donnait une longue existence, de toutes les forces administratives, de toutes les influences d’État, et visiblement résolu à s’en servir. Dans l’autre camp se rassemblaient toutes les oppositions, un instant surprises par ce coup des élections improvisées, mais promptement ralliées pour le combat, plus que jamais enflammées, confondant leurs griefs et leurs ressentimens. Royalistes dissidens et libéraux de toutes nuances oubliaient tout ce qui les séparait pour former la coalition de la haine et marcher ensemble à l’assaut. Les royalistes de la défection n’hésitaient pas à soutenir les candidats du libéralisme le plus extrême; les libéraux à leur tour n’hésitaient pas à soutenir les ultras du royalisme. C’était une vaste mêlée où le pays n’avait plus qu’à reconnaître les siens ! Le pays se décidait, en effet, — et le résultat dépassait peut être les espérances de la coalition qui, sans devenir précisément une majorité, avait d’éclatans succès. L’opposition royaliste avait ses victoires; les libéraux avaient des avantages bien plus nombreux encore. Ils avaient triomphé à Paris. Ils allaient se retrouver en bataillon serré dans la chambre nouvelle, avec tous leurs chefs, les Benjamin Constant, les Casimir Perier, les Laffitte, les Dupont de l’Eure, les Sébastiani. M. Royer-Collard était sept fois élu! M. de Villèle avait joué une grosse partie; s’il ne l’avait pas entièrement perdue, il sortait, du moins, amoindri de la lutte. Ces élections de 1827 avaient surtout cette signification de dévoiler l’irrésistible progrès des opinions libérales depuis quelques années.

Au premier moment, Paris, qui depuis quelque temps s’accoutumait aux manifestations bruyantes, célébrait la victoire par des démonstrations qui dégénéraient pendant quelques soirées en scènes tumultueuses sur les boulevards et à la rue Saint-Denis. Il y eut même quelques échauffourées, quelques essais de barricades dont la force publique avait facilement raison. Les nouveaux élus de Paris croyaient devoir se présenter chez le président du conseil, affectant une certaine inquiétude de ces mouvemens; ils trouvaient un homme parfaitement calme, disposé à les écouter, à s’entretenir avec eux, et un peu ironiquement empressé à les tranquilliser. L’agitation ne pouvait effectivement qu’être sans durée et sans gravité devant une répression assurée. Restait